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Le Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris fête ses 10 ans

Publié le 28 mars 2025 — par Vincent Agrech et Roxane Borde

— Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris (2018) - © Frederic Desaphi

Le Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris naissait il y a une décennie, suivi quelques mois plus tard du Chœur de jeunes. Pour accueillir ces deux nouveau-nés, un berceau tout neuf également : la Philharmonie de Paris. Avec les jeunes chanteurs et ceux qui les encadrent, plongée au cœur de ces formations qui préparent une vie d’amateurs passionnés, et parfois de futurs professionnels, en brassant les formes artistiques et les univers musicaux.

Un mercredi après-midi comme les autres, au conservatoire du 19e arrondissement de Paris. Ils sont un peu plus de vingt filles et garçons, de neuf à quatorze ans, en demi-cercle autour d’Edwin Baudo, l’un des quatre chefs associés au Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris – avec Rémi Aguirre Zubiri, Béatrice Warcollier et Désirée Pannetier, chacun chargé d’une classe au sein d’un des établissements partenaires : conservatoires des 6e, 13e, 19e arrondissements et le CRR 93 Aubervilliers – La Courneuve. Recrutés sur audition, ils se retrouvent deux heures par semaine pour la répétition chorale, complétée, dans le cadre de leur cursus au conservatoire, par des cours individuels ou en petits groupes, de technique vocale, de formation musicale et, pour certains d’entre eux, d’instruments. La séance débute avec l’échauffement, ces incontournables exercices montant par demi-tons vers les aigus. Suit la révision des morceaux déjà appris, aujourd’hui « Be Like the Bird », classique de la variété anglo-saxonne, choisi pour la fluidité de sa mélodie et la clarté de son harmonisation, permettant de bien se repérer entre les lignes de la partition. Les vacances d’hiver approchent, il faut lutter pour maintenir la concentration. Mais l’enthousiasme et la bonne humeur sont au rendez-vous et chacun a en tête la prochaine rencontre : ce week-end mensuel où les quatre groupes d’enfants se retrouveront à la Philharmonie de Paris pour neuf heures de répétitions et d’ateliers.

— BANG (2018), Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris - © Frederic Desaphi

Parmi ces jeunes chanteurs, certains poursuivront peut-être l’aventure au sein du Chœur de jeunes, destiné aux lycéens, et encadré par le même quatuor de chefs associés. Chaque mardi soir et un week-end par mois, une soixantaine d’adolescents – environ autant de garçons que de filles, fait rare ! – investissent avec énergie l’un des studios de la Philharmonie de Paris. Cours de maths et dents de sagesse flottent dans les conversations, jusqu’à ce qu’Edwin s’installe au piano pour chauffer les voix à coup d’entraînants « Hallelujah » et « Jubilate ». Le groupe se prête à l’exercice avec enthousiasme, tandis que quelques retardataires attrapent au vol les dernières vocalises. Au programme ce soir-là : la guaracha (chant originaire de Cuba) « Ay que me abraso, Ay » du compositeur mexicain Juan García de Zéspedes (1619-1678) que le Chœur de jeunes chantera le 2 avril prochain au cours d’un concert baptisé Boléro – En rythme. Les cinq musiciens de l’Orchestre de Paris (un percussionniste, une contrebassiste, un harpiste, une violoniste et un tromboniste qui joue de la saqueboute) répètent l’œuvre avec eux pour la première fois – concentration et enthousiasme sont à leur maximum : « Ay, ay, ay », se répondent les sopranes et les altos, les ténors et les basses.

Un parcours de l’enfance à l’âge adulte

Si ces enfants et adolescents sont chez eux à la Philharmonie de Paris, c’est notamment grâce à Lionel Sow, qui a dirigé le Chœur de l’Orchestre de Paris jusqu’en 2022. Lorsqu’il arrive à son poste en 2011, la construction de l’édifice aux oiseaux a débuté depuis deux ans Porte de Pantin. La phalange et son ensemble vocal préparent donc activement leur emménagement dans la nouvelle maison que leur a dessinée Jean Nouvel et qu’ils inaugureront en janvier 2015. Cette perspective s’accompagne de nouveaux projets, notamment d’un programme pédagogique pour le Chœur, qui a alors vocation à adopter une « géométrie variable » et à se doter d’une « plus grande diversité de profils », expliquait Lionel Sow. Au socle principal, constitué d’excellents amateurs adultes – dont certains sont là depuis qu’Arthur Oldham a créé le Chœur en 1976 –, s’ajoute donc, en 2012, une académie destinée aux étudiants de chant entre 18 et 25 ans. Objectif : les former au travail de choriste au sein d’une grande formation symphonique. Deux ans plus tard naît le Chœur d’enfants pour les 9-14 ans, puis, la saison suivante, le Chœur de jeunes, constitué de lycéens. Ces ensembles, créés en partenariat avec des conservatoires de la région parisienne, permettent « une continuité de la pratique chorale et de l’enseignement du chant », précisait alors Lionel Sow.

— Jeanne d’Arc au bûcher (2015), Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris - © Frederic Desaphi

Et en matière de continuité, le compte y est : depuis la création du Chœur d’enfants voilà dix ans, certains ont déjà expérimenté le parcours complet, passant ensuite au Chœur de jeunes, puis à l’Académie. C’est le cas d’Hector, ténor. Âgé de 20 ans, il était d’abord trompettiste et danseur avant de découvrir le chant en participant à un spectacle de comédie musicale. Lorsqu’il entre au Chœur d’enfants, il est très marqué par ses premières expériences de la scène – mais aussi par les week-ends de répétition où les parties de foot côtoient la musique. Après sa mue, il intègre le Chœur de jeunes où l’attendent déjà certains de ses copains, puis entre à l’Académie, parallèlement à des études de géologie.

Les chœurs français, une excellence qui s’ignore ?

Richard Wilberforce, directeur musical du Chœur de l’Orchestre de Paris depuis septembre 2023, a également à ce titre la responsabilité des Chœurs d’enfants et de jeunes, ainsi que de l’Académie. Revendiquant la continuité avec le travail fondateur de Lionel Sow, cet ancien chef du prestigieux Chœur de Jeunes de l’Orchestre Hallé de Manchester, de la Maîtrise de Paris et du jeune chœur de Paris est bien placé pour faire un sort à certains préjugés courant encore sur la supériorité des Britanniques par rapport aux Français en matière de formation chorale. « Vivant en France depuis huit ans, je ne peux porter un jugement sur ce qu’était la situation il y a quelques décennies, mais aujourd’hui, je suis frappé par le décalage entre cet énorme complexe d’infériorité que font les Français et la qualité du paysage choral du pays. Les traditions sont surtout très différentes. Le niveau de technique vocale des jeunes, leurs connaissances théoriques et leur maîtrise du solfège sont souvent plus élevés en France qu’au Royaume-Uni, où vous assisterez parfois à des concerts décevants. En revanche, le fonctionnement des maîtrises d’église, qui chantent souvent un office tous les jours, exige des petits Anglais une grande rapidité de mise en place, passant par l’écoute mutuelle pour ceux qui ont moins l’habitude de lire les partitions, qui favorise l’homogénéité et l’élan collectif. »

Quid, d’ailleurs, du fameux individualisme et de l’indiscipline qui nous collent à la peau, en matière musicale comme dans d’autres ? Avec la prudence d’un diplomate aguerri, Richard Wilberforce rappelle que maintenir la concentration de 130 enfants et jeunes durant plusieurs heures de répétitions n’est une sinécure dans aucun pays… « C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous accordons tant d’importance au planning », explique-t-il. « Les tutti sous ma direction sont plus efficaces s’ils ne s’éternisent pas des heures. Nous multiplions les partielles, le temps de répétitions en petits groupes, créant un lien plus direct entre les enfants, les adolescents et leurs encadrants, et donc une meilleure concentration. Avec, à la clé, la nécessité d’une excellente coordination entre nous, et d’une grande clarté, de ma part, quant à mes intentions musicales, afin que mes quatre collègues puissent les communiquer aux jeunes, sans que ces derniers soient déstabilisés en se retrouvant face à moi ! »

— Belongings (2023), Chœur d’enfants et de jeunes de l’Orchestre de Paris - © Denis Allard

Le directeur musical souligne également combien la diversité des projets contribue à élargir l’horizon artistique. Ceux en grand effectif associent les enfants et les jeunes aux choristes adultes et à l’orchestre, face à des publics de plus de deux-mille personnes, leur faisant découvrir des piliers du répertoire classique occidental – par exemple les Symphonies n° 3 et 8 de Mahler, La Damnation de Faust et le Te Deum de Berlioz, les Carmina Burana de Orff. Les formats chambristes explorent des époques moins connues, travaillent la transparence polyphonique et donnent aux adolescents de premiers petits solos. Ils entraînent aussi les participants vers les musiques traditionnelles, qu’elles se rattachent à des sources occidentales (yiddish ou arméniennes, pour prendre des exemples récents), ou les ouvrent à des langages beaucoup plus éloignés (asiatiques, océaniens…). Sans oublier le spectacle scénique annuel, reliant le chant au travail sur le corps. « L’objectif est plus que jamais d’offrir une progression dans la formation et la vie d’un chanteur, qui va de huit ans, pour les plus jeunes membres du Chœur d’enfants, à soixante-dix pour nos seniors du chœur adulte », s’enorgueillit Richard Wilberforce. « Très peu de formations au monde atteignent cette continuité avec une telle variété des propositions artistiques. » Un constat en forme de regret ? Depuis des décennies, toutes les études scientifiques confirment que le chant choral, comme la pratique instrumentale, représente un formidable accélérateur neuronal et social, surtout pratiqué dès le plus jeune âge et avec le plus haut degré d’exigence. Une clé afin de lutter contre les inégalités de naissance et favoriser la mixité et l’inclusion. Voir, partout en France, naître auprès de nos orchestres des galaxies de chœurs de jeunes amateurs tient-il du rêve impossible ou de l’effort réaliste que les amoureux de musique peuvent accomplir afin de la diffuser autour d’eux ?

Chœur d’enfants

Alia, 13 ans

J’ai toujours aimé chanter et j’étais très heureuse d’être acceptée après l’audition ! Le plus beau, c’est de nous entendre tous à plusieurs voix, quand l’harmonie est parfaite. Et le pire, c’est de passer des heures sur le déchiffrage et de se tromper, surtout quand les voix se décalent à la tierce ! D’habitude, nous répétons seulement avec le piano, donc quand on rejoint l’Orchestre de Paris et tous les autres chœurs à la Philharmonie, c’est très impressionnant. Je suis dans une classe à horaires aménagés en violon, et j’apprends aussi le piano et la guitare. La musique sera mon métier, j’ai envie d’être chanteuse de variétés et le classique m’aide énormément pour la technique.

Ferdinand, 9 ans

J’ai commencé la musique avec le piano pendant deux ans et c’est mon ancienne prof qui m’a proposé de chanter. J’ai arrêté le piano et j’adore venir ici parce qu’on est entre amis, on s’amuse et on apprend plein de jolis morceaux. Je n’aime pas trop quand il faut aller le dimanche à la Philharmonie, mais quand je fais un concert devant tout le public, je suis très fier. Au Conservatoire, on nous voit moins. Et puis il y a plein de musiciens avec lesquels nous chantons qui sont des gens très connus, c’est une des plus grandes salles du monde !

 

Chœur de jeunes

Joseph, 15 ans

Mes parents ont vu que j’aimais bien chanter, donc ils m’ont inscrit à plusieurs auditions. J’ai choisi le Chœur d’enfants, puis le Chœur de jeunes, parce que le programme est très varié : on chante des œuvres de toutes les époques et de tous les styles, on participe même à un opéra mis en scène une fois par an. On apprend vraiment la technique de chœur, et on peut observer les méthodes des différents chefs, leurs personnalités et leurs horizons musicaux, c’est très intéressant ! Même quand c’est très intense, ce n’est jamais trop, c’est l’école qui est en trop, mais j’envisage de continuer le chant professionnellement…

Joséphine, 16 ans

J’ai passé quatre ans au Chœur d’enfants. Avant, j’étais dans un autre chœur, mais j’ai eu envie d’intégrer un plus grand ensemble. On chante dans des salles immenses, c’est vraiment une chance à 10 ans de découvrir ce monde-là, et je n’ai pas hésité à poursuivre au Chœur de jeunes. Certains, comme moi, vont peut-être faire une carrière professionnelle, mais pas tout le monde, et c’est ça qui est intéressant aussi ; dans tous les cas, c’est une passion commune. Même quand la journée de cours est fatigante, c’est un bonheur de venir ici. C’est plus une pause qu’une charge de travail supplémentaire.

Vincent Agrech
Vincent Agrech est journaliste (rédacteur associé du mensuel Diapason, rédacteur en chef de Notations, le magazine de l'Orchestre de Paris), essayiste (plusieurs ouvrages parus chez Stock et Humensis), conseiller du Théâtre du Château de Drottningholm (Suède) et producteur.

 

Roxane Borde