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Les Clés du classique #32 - Le Requiem de Verdi

Publié le 12 avril 2023 — par Charlotte Landru-Chandès

Imprégné de l’esthétique romantique, jouant sur les contrastes, le Requiem de Giuseppe Verdi (1874) s’impose, après celui de Berlioz, comme un monument du genre. 

La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.

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Les extraits du Requiem de Verdi sont interprétés par l’Orchestra e Coro del Teatro alla Scala dirigé par Daniel Barenboim. Concert enregistré à la Salle Pleyel à Paris le 15 novembre 2009.

Retrouvez l’intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.


Verdi a 60 ans quand il se lance dans l’écriture de son Requiem, nous sommes en 1873. Il vient tout juste de triompher avec son opéra Aïda, et est au sommet de sa carrière. Il décide pourtant de ne plus composer d’opéra après Aïda, comme Rossini l’a fait après Guillaume Tell. Ce dernier s’est tourné vers le sacré, nous livrant deux œuvres majeures, le Stabat Mater, créé en 1842, et la Petite Messe solennelle, en 1864.

En 1868, à la mort de Rossini, plusieurs compositeurs italiens sont sollicités pour écrire une grande œuvre à sa mémoire. À cette occasion Verdi compose une pièce intitulée Libera me, mais finalement, l'œuvre hommage à Rossini ne sera jamais créée. Rien de perdu cependant pour Verdi…  En 1873, à la mort de l’un de ses grands amis, l’écrivain Alessandro Manzoni – qui est un peu l’égal de Victor Hugo pour les Italiens – Verdi décide de réutiliser son Libera me. Il en fait d’ailleurs le point de départ de son Requiem

Le Requiem de Verdi reprend le déroulé propre à la liturgie catholique romaine. Il se découpe de la manière suivante : Requiem et Kyrie, Dies iræ, Offertoire, Sanctus, Agnus dei, Lux æterna et Libera me. Verdi s’inscrit dans la lignée des grands requiems de Mozart, Cherubini, et surtout de Berlioz, à qui il emprunte la dimension spectaculaire.

En tant que compositeur d’opéras – plus de 25 au total ! – Verdi a du mal à abandonner la dimension théâtrale. C’est en tout cas l’impression que l’on peut avoir en écoutant le Requiem. Le chef d’orchestre Hans von Bülow parle d’« un mélodrame en habits ecclésiastiques ». Très imprégnée de l’esthétique romantique, l'œuvre joue sur les contrastes, ce qui lui confère un caractère dramatique. Le Dies iræ, saisissant par sa violence orchestrale et vocale, en est un parfait exemple. Verdi réutilise parfois même des fragments initialement prévus pour ses opéras. Dans le Lacrimosa, il reprend un duo de l’acte IV de son opéra Don Carlos qu’il avait coupé pour l’Opéra de Paris.

En février 1874, Verdi écrit à Camille du Locle, directeur de l’Opéra Comique à Paris : « Je travaille sur ma messe et avec grand plaisir. J’ai l’impression d’être devenu un grand citoyen et de ne plus être un clown qui avec un grand tambour et un tambourin crie : “venez, venez voir !” Comme vous pouvez l’imaginer, quand j’entends le ton des opéras de nos jours, ma conscience est scandalisée et je fais tout de suite le signe de croix ! Que répondez-vous à cela ? Ne suis-je pas un modèle ? »

La création du Requiem est prévue à Milan. Pendant l’hiver 1874, Verdi visite plusieurs églises et arrête son choix sur San Marco. Les préparatifs débutent, mais Verdi doit faire face à quelques difficultés. Pour commencer, il lui faut adapter le rite romain de la messe des morts avec le rite ambrosien pratiqué à Milan, et qui présente quelques différences. Vient ensuite le problème du chœur mixte. À l’époque, les femmes ne sont pas autorisées à chanter pendant le service liturgique. Malgré tout, Verdi parvient à obtenir de l’archevêque que les femmes puissent participer, à condition qu’elles soient cachées par une grille ou placées un peu à l’écart. Le 22 mai 1874, jour du premier anniversaire de la mort d’Alessandro Manzoni, 110 musiciens et 120 choristes sont réunis pour interpréter le Requiem de Verdi à l’église San Marco de Milan, avec en solistes, Teresa Stolz, Maria Waldmann, Angelo Masini et Paolo Medini. La journée est pluvieuse et l’église est loin d’être pleine.

Le Requiem est repris trois fois à la Scala de Milan, avec les mêmes solistes. Le soir de la première, le 25 mai, Verdi est à la baguette. Il y a foule au Théâtre et l’enthousiasme du public est au rendez-vous. On crie « Viva Verdi! » et on réclame des bis.
L'œuvre est ensuite jouée à Paris, où elle connaît un succès équivalent.

Charlotte Landru-Chandès

Charlotte Landru-Chandès  collabore à France Musique, La Lettre du Musicien et Classica. Elle conçoit des podcasts pour l'Opéra national de Paris et la Philharmonie de Paris.

  • Un podcast de Charlotte Landru-Chandès
  • Réalisation : Taïssia Froidure
  • © Cité de la musique - Philharmonie de Paris