En 1937, le Californien John Cage invente le « piano préparé ». En 1952, avec 4’33’’, il déclenche un des plus grands bouleversements que la musique occidentale ait connu. Au début des années 1960, La Monte Young et Terry Riley donnent une première impulsion au minimalisme, avant que Steve Reich et Philip Glass lui confèrent sa dimension répétitive.
Bruits et sons du monde
Dans cette pièce radicale de John Cage, le pianiste est assis devant son instrument, mais ne produit aucun son. 4’33’’ se veut une réflexion profonde sur la nature même du silence et sur son absence d’opposition fondamentale avec le son. Entrer dans le silence permet à l’oreille de découvrir d’autres univers sonores jusqu’alors négligés qui peuvent à tout moment devenir musique par la seule importance que l’on veut leur accorder. Selon Cage, « tout ce que nous faisons est musique » dans ce vaste continuum qui, partant du silence, embrasse potentiellement tous les bruits et sons du monde, qu’ils soient organisés ou non. John Cage poursuivit ses expériences musicales sans jamais se soucier des conventions et des idéologies. Il cultiva une sérénité intérieure en rejetant l’expressivité de la musique occidentale et les émotions qu’elle suscite. Il réalisa, entre autres, de nombreux happenings, notamment avec son ami le chorégraphe Merce Cunningham (1919-2009), conçut des partitions graphiques ou encore fit entrer le hasard dans le processus de composition.
Une autre révolution musicale majeure eut lieu également en Californie. La Monte Young (né en 1935) réalisa, en 1958, un Trio à cordes qui, par son extrême économie de moyens, peut être considéré comme la première pièce minimaliste. En effet, des notes tenues parfois pendant plusieurs minutes sont entrecoupées de silences pouvant atteindre 40 secondes. La Monte Young cultiva ensuite la vibration sonore infiniment prolongée en réalisant avec quelques amis un projet utopique nommé The Theatre of Eternal Music qui consistait à jouer jour et nuit, sans interruption, des improvisations reposant sur un bourdon. Avec sa femme Marian Zazeela, La Monte Young réalisa aussi des espaces sonores et lumineux appelés Dream Houses, conçus pour durer des années. On lui doit également une immense œuvre pour piano, The Well-Tuned Piano (1964), dont les dernières versions atteignent plus de cinq heures.
Minimalisme répétitif
Dans les années 1960, son ami Terry Riley (né en 1935), donna au minimalisme une autre direction en cultivant le principe de répétition à partir de quelques notes. Sa célèbre pièce In C (1964) connut un succès considérable en touchant notamment un public jeune et jusqu’alors réfractaire à la musique dite « savante ». In C est de longueur et d’effectif variables. Elle contient 53 petits fragments qui sont joués dans un tempo stable marqué par une pulsation constamment présente. Chaque musicien joue chacun des modules autant de fois qu’il le souhaite avant de passer au suivant. L’exécution prend fin lorsque tous les musiciens ont atteint le dernier module. Terry Riley s’écarta ensuite du minimalisme répétitif pour s’orienter vers de longues improvisations réalisées lors de concerts qui pouvaient durer toute une nuit. Le New-Yorkais Steve Reich (né en 1936) s’empara du minimalisme répétitif qu’il explora avec plus de constance et de façon très personnelle, en utilisant divers procédés d’écriture dérivés du canon et en enrichissant le langage harmonique tout en restant dans le système tonal. Philip Glass (né en 1937) explora également le minimalisme répétitif dans une grande variété de genres musicaux allant de la musique pour soliste à l’opéra en passant par la symphonie. Il a également écrit la musique de nombreux films. Comme ses amis Riley et Reich, Glass a cherché à composer une musique accessible au plus grand nombre – une démarche qui se situe aux antipodes des recherches formalistes des compositeurs sériels.