Dans cette série de podcasts, Sebastião Salgado nous transporte au cœur de la forêt brésilienne et fait entendre, de l'intérieur, les voix de l'Amazonie. Le photographe partage ses souvenirs, anecdotes et expériences, fruits de sept ans de voyage et de rencontres avec les communautés indiennes.
Xingu
Situé dans l'État du Mato Grosso, le Territoire indigène du Xingu est habité par 6 000 individus issus de 16 communautés différentes. C'est le plus célèbre territoire dédié aux Indiens et la première grande réserve créée pour protéger plusieurs populations autochtones. Les villages de ces territoires sont constitués de maisons communautaires disposées autour d'une place qui est le lieu où se tient tous les événements publics : fêtes, enterrements, discours des dirigeants et luttes cérémonielles.
Chaque groupe se distingue par des productions artisanales : les céramiques des Wauja, les arcs et les flèches des Kamaiura ou encore les colliers d'escargots des Kuikuro, des objets échangés dans le cadre de rituels de troc appelés moitards. D'autres rituels tels que le Kuarup, le Javari et le Yamurikumâ rassemblent de nombreux résidents de plusieurs communautés autour de traditions communes, dans lesquelles les mythologies des différents peuples s'articulent autour de dramaturgies similaires.
0:08 : Chef Kotok, leader des Kamayurá. Territoire indigène du Xingu. État du Mato Grosso, 2005.
1:21 : Pajés (chamans) Kamayurá. Dans la tradition culturelle kamayurá, seuls les pajés fument du tabac, qu’ils plantent eux-mêmes. Territoire indigène du Xingu. État du Mato Grosso, 2005.
Awá
Les Awa-Guaja sont un peuple presque isolé vivant dans le Maranhâo, État qui a connu ces dernières décennies une intense exploitation forestière illégale. Dans les années 1970, les terres des Awa ont été dévastées suite à la découverte de vastes gisements de minerai de fer dans la région et à la construction par le gouvernement brésilien d'un système ferroviaire et routier traversant leur territoire pour transporter ce minerai de la Serra dos Carajas jusqu'à la côte. Des milliers d'individus se sont installés de manière illégale dans la région et de nombreuses familles Awa ont été massacrées.
Depuis cinquante ans, les Awa voient en outre leur territoire rétrécir du fait d'une intense exploitation forestière illégale. Les organisations de défense des populations autochtones dénoncent leur extinction et estiment que ce peuple « subit un génocide ». Les Awa-Guaja ne sont plus que 450 environ, dont une centaine ont des contacts limités avec l'extérieur. D'après l'ONG britannique Survival International, ils sont aujourd'hui « le peuple le plus menacé au monde».
2:28 : Amapyranawin Awá dans le village de Juriti avec son tamarin (Saguinus niger), élevé comme animal de compagnie. Territoire indigène Awá-Guajá. État du Maranhão, 2013.
3:56 : Typaramatxia Awá, portant un singe qu’il vient de chasser à l’arc, et Kiripy-tan (au second plan). Territoire indigène Awá-Guajá. État du Maranhão, 2013.
Zo'é
Les Zo'é vivent dans les forêts de l'État du Para, au nord du fleuve Amazone, plus préservées que celles de la rive sud qui connaissent un processus de dévastation accéléré. « Zo’é » signifie « je suis moi », expression probablement utilisé lors de la période de contact, pour dire « nous sommes des personnes ». Les Zo' é sont le seul peuple indien du Brésil à porter le poturu, un labret en bois logé dans la lèvre inférieure, qui est leur signe distinctif.
Comme celle de nombreux autres peuples des Amériques, la mythologie des Zo'é raconte qu'au commencement du monde, les animaux étaient des hommes. Cet aspect humain oblige à rendre hommage aux animaux chassés : on met par exemple des noix du Brésil dans la gueule des porcs abattus car ils sont considérés comme des invités d'honneur au banquet où ils seront mangés. Les femmes portent de fins colliers faits de coquilles d'escargots et de superbes tiares à plumes blanches tirées du poitrail des vautours papes.
Les Zo’é sont polyandres (les femmes ont plusieurs maris) et polygames (les hommes ont plusieurs femmes). Ils ont une façon particulière de résoudre les conflits entre eux : ils utilisent l’humour et les chatouilles pour dissiper les tensions.
5:14 : Hommes Zo’é du village de Towari Ypy. Debout, de gauche à droite : Biri, Xú, Sinera’ýt, Kurú et Boaté. Assis : Kitá, Dirik, Tuwáj et Toduá. Territoire indigène Zo’é. État de Pará, 2009.
6:43 : Aratá Zo’é, un chasseur. Territoire indigène Zo’é. État de Pará, 2009.
Suruwahâ
Installés dans l'État d'Amazonas, les Suruwahâ ont pris le parti de vivre dans un isolement presque total afin de tenter de conserver au mieux leurs pratiques culturelles traditionnelles. Ces Indiens produisent eux-mêmes toute la nourriture qu'ils consomment, pour la chasse, ils utilisent des armes traditionnelles, l'arc et la sarbacane, avec lesquelles ils tirent des flèches à pointe empoisonnée. Il n'y a pas de chef officiel, mais les meilleurs chasseurs bénéficient d'un grand respect.
Le taux de mortalité des Suruwahâ est élevé, en raison d'une pratique assumée et volontaire qui consiste à ingérer du timbo (Derris elliptica), une substance hautement toxique qui provoque leur mort. En effet, selon les Suruwahâ, l'au-delà est divisé en trois cieux, où se rendent les âmes des êtres humains après leur mort. Le plus désirable est celui où se retrouvent les personnes qui meurent fortes et en bonne santé, alors que les deux autres rassemblent respectivement celles qui ont été mordues par un serpent et celles qui meurent de vieillesse.
7:50 : Femmes et fillettes Suruwahá : les adultes ont le visage peint à la façon d'un jaguar. Territoire indigène Suruwahá. État d’Amazonas, 2017.
8:47 : Kwakway finit la toiture en paille de son oca. Territoire indigène Suruwahá. État d’Amazonas, 2017.
Photographies © Sebastião Salgado
Création sonore © Jean-Michel Jarre