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La joyeuse inventivité des rita mitsouko

Publié le 22 juillet 2019 — par Jérôme Provençal

— Entretien avec Catherine Ringer

J'ai commencé ma carrière de chanteuse quand j'avais 17 ans, avec un musicien qui s'appelle Michel Puig, qui est un musicien de musique contemporaine, comme on dit.  J'ai fait 3, 4 ans de travail avec lui.  Ça s'appelait du théâtre musical, où on travaillait sur toutes les sonorités de voix qui n'étaient pas la voix classique de chant classique opératique.  Toutes les voix, les voix à l'envers, les voix hautes, les cris, etc.  Et j'ai eu la chance de travailler avec Yannis Xenakis, justement parce qu'il cherchait une voix qui lui rappelait les paysannes grecques.  Donc des voix...  Des choses comme ça plutôt que...  Lui était entouré de gens comme ça.  Donc il ne savait pas trop où trouver ça et on a eu la chance de se rencontrer.  Le nom des Rita Mitsouko est inspiré d'un nom de femme de music-hall qui a un nom un peu amusant.  Donc j'avais fait toute une liste à partir des parfums de Guerlain.  Il y avait Twinka Shalimar, Rita Mitsouko, et puis Fred est tombé là-dessus et m'a dit : "Ce serait bien de prendre ça comme nom."  Je lui ai dit : "On va penser que c'est moi, la chanteuse Rita Mitsouko."  Il m'a dit : "Oh, ce n’est pas grave."  Du coup, on s'est finalement appelés les Rita Mitsouko tout en ayant eu une période où on s'appelait...  Rita, c'était lui, moi, Mitsouko, mais c'était encore plus compliqué.  D'abord, on a fait pas mal de scène.  À l'époque, dans la région parisienne, il y avait peu d'endroits où on pouvait jouer.  Moi, forte de mon expérience du café-théâtre, de spectacles musicaux, où on pouvait avoir des bandes-son qui vous accompagnaient, je lui ai dit qu'on pourrait avoir des parties de notre musique enregistrée.  Et c'est là qu'on a commencé à vraiment tourner.  Lui jouait de la guitare, moi, un peu de clavier ou de basse.  Et on avait un magnétophone posé sur une chaise au milieu, qui était un robot, en fait.  Et c'est là qu'on a commencé à avoir une carrière, à pouvoir jouer, à pouvoir vivre de ce qu'on faisait.  On a souvent dit qu'on était des artisans parce qu'en fait on bricolait un peu tout nous-mêmes, et donc ça avait trait à l'artisanat, effectivement.  Certaines chansons sont un peu mystérieuses au niveau texte et moi, j'aimais bien ça, que ce ne soit pas si évident, et que ce soit un petit peu caché, que le côté gai et fleuri puisse cacher quelque chose d'atroce ou de douloureux.  Ça faisait partie de mon écriture et je trouve ça normal que plein de gens ne l'entendent pas.  Parce que c'est aussi des choses qui se passent dans la vie.  On peut passer à côté de la souffrance comme à côté de la joie.  Donc, dans mes textes, effectivement, il y a ce côté plusieurs facettes comme ça.  Une chanson comme "Marcia Baïla » parle des deux côtés. On peut entendre l'un ou l'autre.  "Le petit train" aussi.  Il faut faire attention pour capter certaines choses, sinon on capte autre chose.  Les 28-29, on fait un mélange de morceaux qui sont pris sur tous nos albums.  La veille, la Philharmonie m'a demandé de programmer une carte blanche.  Et donc, j'ai choisi quelques groupes.  Ça aurait pu être des tas de choses :  des rappeurs, du jazz, de la musique classique, des tas de trucs...  Et puis, là, je pense que ça va être des gens qui font un peu de la pop, toute simple. 

Rencontre avec Catherine Ringer, qui évoque ses débuts de chanteuse, ainsi que la trajectoire qui l’a conduite, avec Fred Chichin, de l’album Rita Mitsouko (1984) jusqu’à Variety (2007).

Nés de la rencontre à la fin des années 1970 de Catherine Ringer et Fred Chichin, deux jeunes gens en quête d’aventure artistique, les Rita Mitsouko ont fait souffler un vent de fraîcheur salutaire sur la scène musicale hexagonale en déployant d’emblée un univers d’une ébouriffante originalité, sans cesse réinventé par la suite. Résolument éclectique, leur musique prend la forme chatoyante d’un cocktail pop-rock à la française, pimenté de diverses influences (électro, hip-hop, funk, musiques africaines ou latino-américaines, etc.) suivant les enregistrements. Pareils à des météores, scintillants de pétulance et d’extravagance, ils ont traversé avec un éclat intense les années 1980, décennie jalonnée de plusieurs tubes en or massif tels que "Marcia Baïla", "Andy", "C’est comme ça" ou "Singin’ in The Shower". S’ouvrant régulièrement à de nouvelles expériences, dont une collaboration avec un orchestre symphonique au début des années 2000, ce duo sans égal a poursuivi son audacieux cheminement musical jusqu’au décès de Fred Chichin, survenu brutalement en novembre 2007, quelques mois après la sortie de l’album Variety.

Depuis, Catherine Ringer continue de faire vivre leur musique à la faveur de concerts ou d’événements exceptionnels. Du 27 au 29 septembre, la Philharmonie de Paris lui donne ainsi carte blanche, le temps d’un week-end spécial tout entier dédié aux Rita Mitsouko. En ouverture est proposée une soirée intitulée Les Amitsouko et conçue comme un mini festival à la fois bariolé et iconoclaste, totalement raccord avec l’esprit des Rita. Au programme : Minuit, groupe pétaradant mené par Simone Ringer et Raoul Chichin (dignes enfants de leurs parents terribles), Fat White Family, flamboyant groupe de rock anglais, et Lulu Van Trapp, jeune et exubérant duo pop français (vendredi 27 septembre, 20h30, Salle des concerts – Cité de la musique).

Au cœur du week-end se trouvent les deux concerts qui invitent à voir et entendre Catherine Ringer revisitant le répertoire des Rita Mitsouko avec toute l’inventivité joyeuse qui la caractérise (samedi 28 et dimanche 29 septembre, 20h30, Grande salle Pierre-Boulez - Philharmonie). Très varié, le menu des réjouissances est idéalement complété par le concert Maestro and The Chamber. Intrépide trio franco-écossais, propulsant une électro-pop bigarrée et enfiévrée, Maestro joue ici avec un quatuor à cordes baptisé The Chamber : une rencontre musicale aussi détonante que stimulante (dimanche 29 septembre, 18h, Studio – Philharmonie).

Jérôme Provençal

Jérôme Provençal écrit sur (presque) tout ce qui est essentiel à la vie : la musique, la danse, le cinéma, le théâtre, les arts plastiques, la littérature. Il est le collaborateur régulier des Inrockuptibles, de Politis, de New Noise et d’Art Press.