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Saison 2022-23 : la musique au cœur du spectacle

Publié le 31 mars 2022 — par Philharmonie de Paris

— Hofesh Shechter : LIGHT: Bach dances - © Camilla Winther

Cité de toutes les musiques, la Philharmonie de Paris inscrit au cœur de sa démarche le dialogue constant entre des formes et des disciplines différentes en direction de tous les publics. Dans cette perspective, rencontres et collaborations y ont pour vocation de dessiner le monde d’aujourd’hui, entre audaces esthétiques et questionnements contemporains.

— Ryoji Ikeda :: superposition

Plus que jamais, cette programmation est le reflet d’une création contemporaine qui accueille et embrasse toutes les disciplines sur son terrain de jeu. En frottant les musiques ancienne ou contemporaine à d’autres champs artistiques, bien sûr, mais aussi à des réflexions politiques et des champs de recherche en sciences humaines, physiques ou mathématiques. À cet égard, le travail de Ryoji Ikeda est depuis 25 ans le lieu d’un dialogue ininterrompu, dont la pièce Superposition représente un jalon important. Figure majeure des musiques électroniques et numériques, le compositeur japonais a très tôt travaillé avec des danseurs, des architectes et des plasticiens, et modelé son approche de la musique sur son étude des mathématiques et des sciences. Visuellement spectaculaire, Superposition évoque la façon dont nous comprenons la réalité de la nature à l’échelle atomique et s’inspire de la mécanique quantique. Avec 100 Cymbals, œuvre issue d’un corpus acoustique plus rarement joué  et ici interprétée par Les Percussions de Strasbourg, Ikeda parie sur un renouvellement dans l’approche de l’instrument, notamment via une mise en espace inédite. C’est également l’un des enjeux de Le Encantadas, concert spatialisé imaginé par la compositrice autrichienne  Olga Neuwirth, inspirée par un livre d’Herman Melville. Grâce à un dispositif développé par l’Ircam, elle pourra déplacer l’acoustique de l’église San Lorenzo de Venise au sein de la Salle des concerts.

— Olga Neuwirth, Le Encantadas © Ensemble Intercontemporain

OPÉRA : INTÉRIEUR / EXTÉRIEUR

C’est encore Herman Melville qui a inspiré Olga Neuwirth pour son opéra The Outcast, présenté en septembre dans la Grande salle Pierre Boulez, œuvre protéiforme qui revisite Moby Dick sous l’angle des crises politique, sociale et environnementale que nous traversons. Avec, comme outils, la musique composée par Olga Neuwirth et interprétée par l’Ensemble intercontemporain et l’Orchestre du Conservatoire de Paris, un livret qu’elle a co-écrit avec l’auteur américain Barry Gifford, mais aussi un ambitieux dispositif vidéo conçu par Netia Jones. Selon la compositrice, The Outcast n’est «ni un opéra ni une installation vidéo ni un concert», raison pour laquelle elle ne souhaite pas la présenter sur les scènes d’opéra traditionnelles. Le Balcon poursuit son exploration de la galaxie Karlheinz Stockhausen, avec Freitag aus Licht, mis en scène par Silvia Costa. C’est un opéra qui, littéralement, déborde le cadre habituellement imparti: les spectateurs seront ainsi accueillis dans le hall de la Philharmonie au son de Weltraum, composition électronique élaborée par Stockhausen pour le premier mouvement de cette œuvre hors norme, le Salut du Vendredi. Les deux actes de l’opéra se dérouleront en salle avec cinq solistes, douze couples de danseurs, l’Orchestre d’enfants du Conservatoire de Lille et la Maîtrise Notre-Dame de Paris, avant que ne résonne à nouveau Weltraum dans le hall pour l’Adieu du Vendredi.

L’entrée et la sortie des spectateurs au son d’une œuvre potentiellement en cours, c’était la belle idée installée par Robert Wilson pour la mise en scène d’Einstein on the Beach, premier opéra de Philip Glass et chef-d’œuvre de la musique du XXe siècle, présenté cette saison en version de concert. La stupéfiante partition de Philip Glass sera interprétée par l’ensemble Ictus et le chœur baroque Collegium Vocale de Gand. C’est l’autrice compositrice américaine Suzanne Vega qui endossera le rôle de la narratrice. Avec une scénographie signée de l’artiste Germaine Kruip et un dispositif sonore immersif, cette version inédite d’Einstein on the Beach modifie le rapport entre les musiciens au travail, qui pourront jouer à différents endroits de la scène ou se fondre dans le public lorsqu’ils ne jouent pas, et les spectateurs libres d’entrer et sortir de la salle à leur guise durant les trois heures de représentation.

— Philip Glass: Einstein on the beach | Ictus, Collegium Vocale Gent, Suzanne Vega

Ce trajet entre la salle et l’extérieur est au cœur de Moving Still - Processional Crossings, opéra spatialisé créé par la compositrice italienne Marta Gentilucci à la Biennale de Venise en 2021, proposition puissamment poétique qui invite le public à participer à une procession. Porté par les voix de l’ensemble vocal Sequenza 9.3 et les textes commandés aux poétesses Elisa Biagini, Irène Gayraud, Shara McCallum et Evie Shockley, c’est une réflexion sur les motifs que peut avoir un groupe en train de déambuler et les différentes formes que ce mouvement peut prendre.

LA DANSE AUX AVANT-POSTES

Les chorégraphes associent également différents langages pour diriger notre regard vers des enjeux contemporains où se répondent questionnements identitaires, migrations, crises et coups portés à la dignité humaine comme à nos écosystèmes. Le spectacle de Sidi Larbi Cherkaoui embrasse trois continents avec trois solos, qui explorent les liens entre l’individu et son environnement. Une façon pour le chorégraphe belge et ses danseurs d’évoquer des sujets saillants, à la fois propres aux pays de chacun – l’Australie, le Japon et la Colombie. C’est une même volonté de confrontation à l’histoire qui porte la nouvelle création que Gregory Maqoma proposera en mars. Avec Broken Chord, le chorégraphe sud-africain évoque The African (Native) Choir, un ensemble de jeunes chanteurs africains formé par des missionnaires, qui navigua vers la Grande-Bretagne, le Canada et l’Amérique à la toute fin du XIXe siècle, pour récolter des fonds destinés à une école en Afrique du Sud. Gregory Maqoma propose ainsi une œuvre engagée sur la question des frontières, des migrations, des rapports de force imposés par l’Occident, aux limites du concert  et de la performance dansée et théâtrale.

Que faire du fracas du monde? Comment transformer ou échapper à ses échos? C’est la question que se sont posée l’auteur compositeur canadien Patrick Watson et le metteur en scène français Yoann Bourgeois pour  une première collaboration très attendue. Leur réponse est à chercher du côté de la poésie, puissance radicale.

Le chorégraphe israélien Hofesh Shechter l’a quant à lui trouvée en envisageant la vie dans ce qu’elle a de plus inéluctable : sa finitude. Inspirée des cantates de Bach,  sa création LIGHT: Bach Dances est une pièce ample où danse, musique et théâtre sont étroitement associés, autour de témoignages enregistrés de personnes confrontées à la mort. Bach comme un refuge intemporel, c’est aussi le choix du danseur et chorégraphe japonais Saburo Teshigawara qui, en mai, partagera la scène avec sa partenaire de longue date Rihoko Sato, lors d’un programme inspiré par la Partita no 2, mise en dialogue avec la Sonate pour violon seul de Bartók. On retrouvera le duo, cette fois accompagné par les solistes de l’Ensemble intercontemporain, pour le spectacle Pierrot Lunaire/Lost in Dance, où l’amour est secrètement présent.

Un repli vers l’intime qui n’est pas un renoncement au monde et encore moins au politique, ce que marquera la collaboration entre le chorégraphe François Chaignaud et l’Orchestre de Paris en juin 2023, dans le cadre du Festival ManiFeste-2023 de l’Ircam. Fruit d’un travail avec des chercheurs de l’université de Californie à Berkeley, Cortèges entend donner de l’espace aux questions intimes, politiques et identitaires en explorant les liens entre voix et danse, orchestre et électronique.

Opéras

18 / 09 Marta Gentilucci | Moving Still–processional Crossings
26 / 09 Olga Neuwirth | The Outcast
14, 15, 16 / 11 Philip Glass | Einstein On The Beach
14 / 11 Karlheinz Stockhausen | Freitag Aus Licht

Danse

09 / 10 Serge Aimé Coulibaly | Kalakuta Republik
14 / 10 Qudus Onikeku | Re:incarnation
03, 04, 05, 06, 07 / 11 Yoann Bourgeois & Patrick Watson
06, 07, 08 / 01 Hofesh Shechter | Light: Bach Dances
21, 22, 23, 24 / 01 Sidi Larbi Cherkaoui | 3s
24, 25, 26 / 03 Gregory Maqoma | Broken Chord
04, 05, 11, 12 / 05 Saburo Teshigawara / Rihoko Sato
15, 16, 17 / 05 Pierre Rigal | Suites Absentes
08, 09 / 06 François Chaignaud /  Sasha J. Blondeau | Cortèges

Performance

23-24-26 / 11 Ryoji Ikeda | Superposition & 100 Cymbals

Philharmonie de Paris