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Fabriquer un violoncelle : un atelier inédit

Publié le 05 décembre 2019 — par Carine Claude

© Fabrice Picard

Pendant la Biennale de quatuors à cordes, la Philharmonie de Paris invite le Collectif de Lutherie et d’Archèterie Contemporaines (CLAC) à recréer un violoncelle.  

L’occasion pour le public de découvrir les facettes d'un métier d'excellence et l’histoire d'un instrument d'exception dont la version moderne sera jouée par le Quatuor Danel.

S’émerveiller d’un galbe, de la profondeur d’un vernis ou de la précision d’un geste. À l’occasion de la Biennale de quatuors à cordes, la Philharmonie de Paris invitera le public à découvrir l’art subtil de la facture instrumentale avec les luthiers du CLAC – le Collectif de Lutherie et d’Archèterie Contemporaines – qui installera son atelier éphémère dans la Rue musicale du 9 au 17 janvier. En temps réel, les visiteurs pourront assister à la fabrication d’un violoncelle inspiré par un instrument emblématique des collections du Musée de la musique : celui de Matteo Goffriller (1659-1742), le célèbre luthier vénitien.

— Fabriquer un violoncelle

Une manière originale de faire converser jeune lutherie contemporaine, recherches historiques et médiation avec les publics. « Nous entretenons des relations très intéressantes avec les luthiers qui viennent souvent au laboratoire du Musée pour observer une trace d’outil, l’évolution fine d'une voûte ou d’un vernis », explique Jean-Philippe Échard, conservateur au Musée de la musique qui rassemble près de 70 violoncelles. Pour lui, la transmission des connaissances muséales auprès des acteurs de la facture instrumentale est fondamentale, bien que cet aspect de la mission de service public du musée demeure méconnu. « Montrer un atelier de lutherie au travail et les étapes d'une fabrication collective sur un objet de grandes dimensions comme un violoncelle sera visuellement très parlant pour le public ».

Plutôt qu’une reproduction à l’identique, les luthiers du CLAC vont donc proposer une interprétation de cet instrument historique réalisé vers 1710. De sensibilités et d’horizons variés, les neuf luthiers et les deux archetiers du jeune collectif créé en 2018 avaient déjà mené une performance similaire autour d'un violon en réalisant l'instrument à plusieurs mains lors du festival Quatuor à l’Ouest de Crozon. L'initiative a séduit Emmanuel Hondré, directeur du département concerts et spectacles de la Philharmonie de Paris, qui a souhaité les inviter pendant la Biennale en leur proposant de s’atteler à la fabrication d’un violoncelle. Le Musée leur ouvre alors ses portes afin qu’ils puissent trouver le modèle idéal. Leur choix s’arrête sur le Goffriller. « Ce violoncelle m’a tout de suite interpellé, confie Tanguy Fraval, membre du collectif en charge de la direction artistique du projet. Il a quasiment tout son vernis. Son bon état de conservation extérieur et sa forme en font un instrument parfait. »

 

Un témoignage des gestes de l'époque

D’une qualité exceptionnelle et reconnaissables à leur beau vernis rouge profond, les violoncelles qui ont fait la renommée de celui qui est considéré comme « le père de l’école de lutherie vénitienne pour les instruments de la famille du violon » sont d’une facture et d'une sonorité raffinées. « Le Goffriller a été retenu, car c’est aussi celui qui conserve le plus de témoignages de sa fabrication », ajoute Jean-Philippe Échard. En effet, peu de documentation subsiste autour de la lutherie d’époque et du travail des facteurs d’instruments. En l’absence d’informations, l’objet est souvent le seul témoin de sa fabrication et de son histoire. S’ensuit un travail minutieux d’observation et de déduction pour recomposer un geste à partir des traces laissées par les outils. Une approche qui n’est pas sans rappeler celle de l’archéologie expérimentale, selon Jean-Philippe Échard : « Nous nous engageons dans une démarche collective avec les luthiers qui viennent étudier nos collections. C’est dans ce même creuset que nous essayons de comprendre comment les luthiers du passé travaillaient, car les seules sources directes qui nous restent aujourd'hui sont les instruments. »

— Fabrication du violoncelle - © C.d'Hérouville

Recréation des gestes, ajustement de la taille de l’instrument aux standards modernes – les instruments d'époque étant plus grands que leurs contemporains... L’idée n'est donc pas de remettre le Goffriller en état de jeu, mais bien d’enquêter sur les secrets de sa fabrication en créant un montage moderne qui sera une adaptation jouable de la version historique. « Chaque membre du collectif devra se glisser dans la peau de Matteo Goffriller quelques heures par jour afin d’essayer de reconstituer ses gestes et sa manière de travailler, explique Tanguy Fraval. L’instrument de référence a un aspect très brut en termes de finition du bois, il porte de nombreuses traces d'outils qui vont nous être utiles. Je vais sans doute devoir freiner certains de mes collègues qui auront envie d'obtenir un rendu très net ! S'accorder sur la perspective finale de l'objet fait partie du travail collectif. »

— Fabrication du violoncelle - © C.d'Hérouville

Travaillant l’érable et l’épicéa, les luthiers devront trouver des bois et des débits spécifiques se rapprochant le plus possible de l'original. Autre point d’interrogation : la lumière, indispensable pour appliquer le vernis mais aussi pour travailler le façonnage des galbes, l’instrument devant être vu comme un objet tridimensionnel : « Nous ne savons pas sous quelle lumière Goffriller travaillait à l’époque, nous devrons nous adapter à la lumière zénithale de la Rue musicale où sera installé l’atelier éphémère. »

 

Dévoilé à l'issue de cette expérience inédite, l'instrument sera joué en blanc – c'est à dire sans vernis - pour la première fois par Raphaël Paratore, violoncelliste du Quatuor Goldmund, qui rejoindra sur scène le Quatuor Danel pour le deuxième mouvement du Quintette de Schubert, lors du concert du 17 janvier (20h30 - Cité de la musique). Le violoncelle sera ensuite prêté par le CLAC à un jeune talent choisi par les membres du quatuor Danel pendant deux ans. L'heureux élu ? Le jeune chambriste Dimitri Berlinsky, petit-fils du célèbre violoncelliste du Quatuor Borodine. « L'idée est de le confier à un jeune musicien qui aurait besoin d'un bon instrument pour pouvoir bien évoluer dans sa carrière, ajoute Tanguy Fraval. Il est important d'envisager l'instrument comme une sculpture sonore et vivante. Elle doit être belle et fonctionnelle pour le musicien, et en même temps sonner pour émouvoir le public et l'artiste. C'est le défi du luthier. »