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Nuit du rossignol : les Chanteurs d’oiseaux au Musée de la musique

Publié le 24 janvier 2019 — par Le Magazine

— Les Chanteurs d'Oiseaux : entretien avec Jean Boucault et Johnny Rasse

Le rossignol, évidemment, c'est l'espèce emblématique.  C'est celui qui chante le mieux, c’est l'oiseau qu'on attend.  Son chant, c'est d'abord des notes tenues.  Ça, c'est le chant du mâle.  Et après, il va enchaîner avec une espèce de trille.  Merci, c'est bon, on a compris.  Le rossignol a beaucoup inspiré les compositeurs, notamment dans la pastorale. On le retrouve aussi chez Beethoven, où on voit que c'est un rossignol un peu musicalisé.  Nous, en tant qu'ornithologues, on voit que c'est un rossignol qui a des trilles qui sont des airs de violon.  Il y a aussi la complexité de l'instrument.  Lorsqu'un compositeur choisit un instrument, il choisit un timbre, une couleur de son, un aigu, un rythme particulier.  Le rossignol, dans son chant, a un rythme particulier, mais le compositeur est coincé avec cette folie d'instruments devant lui et il faut choisir le bon. Alors il se dit : la caille des blés, c'est peut-être le hautbois, le coucou, c'est autre chose... Et le rossignol, quel est l'instrument qui pourrait aller à merveille avec ce chant ?  Alors, il y a eu plusieurs possibilités. Lorsque Couperin va prendre le clavecin pour son "Rossignol vainqueur" et son « Rossignol en amour », c’est extraordinaire, car c'est quasiment lui qui va influencer tous les compositeurs dans sa forme de rossignol.  Le rossignol fait des sons tenus.  C'est très dur à faire au clavecin, qui ne tient pas la note.  Et donc pour faire cette illusion de sons tenus, il va doucement les accélérer pour faire croire à une note tenue.  Il y a la barrière de la langue de l'écriture, de l'instrument.  Il y a beaucoup de barrières pour essayer d'imiter un oiseau.  Et puis même si on n'imite pas le rossignol, rien que le chant de l'oiseau met dans une sorte de nostalgie.  Dans Granados, ce n'est pas le chant d'oiseau qui est imité, mais c'est juste la symbolique.  L'oiseau est plus fort que son chant.  C'est son image, sa symbolique, ce qu'on imagine de son chant...  Car la plupart des gens n'ont jamais entendu un vrai rossignol chanter.  Mais c'est une symbolique : on se l’imagine, et avec ça, avec cette poésie de l'oiseau, du chant, on se raconte une histoire.  Ce qui est beau, c'est de comprendre la démarche du compositeur.  On a le chant de l'oiseau en nous. On parle oiseau, on fait le rossignol tel qu'on doit l'entendre.  Tel qu'on l'entend, et on le restitue de la manière dont l'oiseau le fait.  Vous allez entendre, avec des extraits de Granados, de Beethoven...  On remarque à quoi le compositeur s'est le plus attaché.  Plus au timbre, plus au rythme du chant.  On peut déformer le chant d'oiseau. Un imitateur d'oiseau...  En tout cas, un chanteur d’oiseau, s’il vient intervenir dans la musique, il peut se permettre, il a cette capacité, puisqu’il est humain, sensible, il fait un choix, il essaie d'être traversé par ce qui se passe, par sa sensibilité, il va donner un chant du rossignol qui va être différent de la nature.  On peut le donner vraiment comme dans la nature, on peut aussi dé rythmer, le couper, essayer de faire uniquement des chants de position, très beaux, qui sont des notes tenues, et faire quelques trilles, le faire apparaître, en sourdine, alors que l'oiseau lui-même ne peut pas. C'est aussi travailler cette matière.  Le rossignol ne chante pas pour rien.  Quand il chante, c'est pour la séduction.  Donc on sera accompagnés de Shani Diluka au piano, qui nous permettra, dans un jeu de séduction d’oiseau à instrument, d'oiseau au piano, de faire vibrer justement ces notes et ces sons dans la Cité de la musique. 

Par leurs sifflements virtuoses, Jean Boucault et Johnny Rasse font entrer dans la collection des oiseaux venus des cinq continents et transforment le Musée en une volière imaginaire. En s’associant à la pianiste Shani Diluka, ils révèlent les liens ineffables qui unissent la musique aux chants des oiseaux.

Jean Boucault et Johnny Rasse sont deux amoureux de la nature, passionnés par les oiseaux et leur poésie. Imiter leurs chants est très vite devenu un réflexe, un jeu, une passion. Ils ont ensuite cherché à rendre leur don plus musical pour en faire un art et devenir de véritables chanteurs d'oiseaux.

Leur talent les a amenés à̀ participer à̀ diverses émissions radiophoniques et télévisuelles, notamment aux Victoires de la Musique Classique, à la cérémonie des Molières, à La Nuit de la Voix ou encore à la Folle Journée de Nantes en 2016. Ils se produisent désormais partout en France mais également au Japon, en Russie et en Pologne pour des concerts dans la langue universelle des oiseaux.

D'origine sri-lankaise, Shani Diluka, est née à Monaco en 1976. Elle étudie le piano et se fait vite remarquer comme jeune talent dans le programme initié par la Princesse Grace. C'est ainsi qu'elle bénéficie d'études musicales et se voit attribuer le 1er prix de l'Académie de Musique Rainier III. En 1997, elle rejoint le conservatoire de Paris où elle reçoit l'enseignement de Georges Pludermacher, François-Frédéric Guy, Bruno Rigutto ou encore de Nicholas Angelich. Titulaire de plusieurs prix internationaux et conseillée par les plus grands, elle s'engage dans une carrière internationale qui la mène sur les scènes du monde entier.