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Étienne de Crécy, du Square Cube à Space Echo

Publié le 03 avril 2019 — par Jean-Yves Leloup

— Étienne de Crécy : du Cube à Space Echo

La mise en œuvre était simple, en fait.  1024 Architecture, qui s'appelait EXYZT à l’époque, avait mis au point cette projection topographique sur une structure en échafaudage sur laquelle étaient tendus des tubes, des tissus qui reprenaient la projection.  On projetait en noir et blanc dessus, puis en couleur.  Et ça réussissait à tromper l'œil.  On croyait que la lumière bougeait alors que c'était juste des projections.  Il y avait trois trames de layers et les projections passaient au travers.  C'était donc très difficile, effectivement, en tant que spectateur, de comprendre ce qui se passait.  L'illusion d'optique marchait très bien.  C'était assez simple à mettre en œuvre en termes de concert, techniquement.  Le Cube était conçu sur place, nous, on avait à accrocher les écrans, installer mon matériel à l'intérieur et c'était fait.  C'était assez rapide.  J'ai tourné pendant longtemps avec cette installation.  Moi, elle me convenait parfaitement par cette simplicité de mise en œuvre.  Il n'y avait aucun light.  Là où dans tous les festivals, il y a une surenchère de matériel, de lights qui partent dans tous les sens, moi, d'un coup, ça se concentrait sur un objet qui existait par lui-même.  J'étais très content et fier de cette proposition.  J'aurais pu continuer à tourner avec, mais à un moment...  J'ai tourné pendant 5 ans, c'est très long pour une tournée.  Parce que j'ai refait des musiques.  En permanence, je retravaillais sur le contenu :  les vidéos et la musique.  Et à un moment, quand même, les promoteurs de festivals ont dit : "Le Cube, on peut...", les gens l'avaient beaucoup vu.  Depuis le Cube, un truc a changé pour moi.  Maintenant, je considère le live comme un moyen d'expression à part entière.  Jusqu'à présent, dans l'industrie du disque et ça continue à être le cas, les gens font un album, puis un concert, puis un autre album...  Je considère les concerts et les live comme un moyen d'expression à part entière.  Quand il y a un nouveau live, j'achète le matériel qui va avec.  Je réinterprète mes morceaux avec ce nouveau matériel puis je l'intègre dans une scénographie.  Et toute la scénographie, les images et la mise en scène sont un travail qui m'intéresse.  Au-delà de la musique, ce qui va se passer visuellement sur scène et comment ça va se dérouler dans l'heure ou l'heure et demie du concert, pour moi, c'est un travail à part entière, pas juste un support pour diffuser un album.  J'ai remarqué, d’expérience, que peu d'endroits ne peuvent pas se transformer en dancefloor géant.  En fait, si on met de la techno à un endroit, en général, les gens dansent.  C'est une question de volume et de musique.  Pour ma musique, je n’ai pas de doutes.  Je sais qu'elle fait danser les gens.  Après, c'est en fonction du volume, et ayant vu des concerts à la Philharmonie, je sais que le volume sera suffisant pour que les gens dansent. 

En vingt ans d’un parcours en constante évolution, Étienne de Crécy a signé des albums majeurs. Reconnu pour ses performances dans le monde entier, il marque son grand retour au live avec ce nouveau projet.

Né en 1969 à Lyon, Étienne de Crécy est une figure essentielle de la scène électro française. Avec le duo Motorbass, qu’il compose aux côtés de Philippe Zdar, il publie ses premiers maxis dès 1993, suivis en 1996 de Pansoul, un disque désormais légendaire qui, au croisement de la house music, du downtempo et du funk, figure parmi les albums de référence de la french touch qui s’impose sur la scène française au cours de la seconde moitié des années 1990.

La même année, son projet Super Discount, auquel participent également les membres de Air et de Cassius, l’impose définitivement parmi cette nouvelle génération de DJ et de musiciens qui enrichissent la house de chaleureuses sonorités puisées dans la musique afro-américaine, les bandes originales de film, les sonorités des sixties ou seventies. Au sein de ce courant, Étienne de Crécy se distingue toutefois de ses confrères à travers des climats plus indolents, des références au son de la Jamaïque et une manière toute singulière de revisiter les scansions et les percussions du funk.

En 2000, son album Tempovision, autre disque essentiel de la french touch, aux couleurs plus soul, vient clore cette première époque. Autour des tubes « Am I Wrong? » et « Scratched », l’artiste revisite à nouveau l’histoire des musiques noires à travers une série de titres, parfois dancefloor, parfois plus proche du trip-hop, dont la production ciselée et les timbres gracieux surpassent aisément les nombreux hits et tentatives de « house filtrée » (une house music nourrie au sampling) qui envahissent alors les dancefloors et les radios.

Le début des années 2000 se révèle plus difficile pour les musiciens de la première génération house et techno qui, comparé à la décennie précédente, n’incarnent plus véritablement la modernité de leur époque. Étienne De Crécy parvient toutefois à tirer son épingle du jeu en 2004 avec Super Discount 2, un album plus percussif et tranchant, aux sonorités radicalement synthétiques, auquel participent Philippe Zdar, Boom Bass, DJ Mehdi, Mr. Learn, Alex Gopher ou Julien Delfaud, ces deux derniers cosignant à ses côtés le tube « Fast Track », dont la basse rebondie fraye avec le rock et la new wave.

Mais c’est en 2007, à l’heure où l’électronique retrouve le chemin du succès, que la carrière du Français connaît un nouvel élan et qu’il se tourne vers un nouveau son plus incisif. Cette année-là, la première de son concert audiovisuel – qui ouvre la tournée « Beats’n’Cubes » – crée la sensation. Loin de la musique qui l’avait fait connaître à l’époque de la french touch, sa nouvelle techno, puissante et affûtée, aux sonorités abrasives, lui permet de rencontrer un nouveau public au cours d’une tournée menée aux quatre coins du monde, qui durera près de sept ans.

En 2006, le musicien français avait, comme beaucoup d’autres, été frappé par la puissance visuelle et créative de la nouvelle tournée des Daft Punk, dont la scénographie avait été conçue autour d’une vaste pyramide composée d’écrans, qui augurait alors d’un nouvel art de la scénographie de concerts. C’est la raison pour laquelle, quelques mois plus tard, Étienne de Crécy avait alors fait appel au talent de deux jeunes artistes, programmeurs et architectes, François Wunschel et Pier Schneider (aujourd’hui 1024 architecture) pour concevoir un dispositif qui puisse rivaliser avec celui des Daft Punk. Le résultat, le dispositif du Square Cube, se présente sous la forme d’une structure d’échafaudages, coiffée d’un écran, sur laquelle sont projetées des formes géométriques créant une fascinante série d’illusions visuelles, qui font naturellement écho à la musique électro et instrumentale d’Étienne de Crécy.

Pour son nouveau projet, et sa nouvelle tournée mondiale – dont le premier concert est présenté dans la Grande salle de la Philharmonie de Paris –, il lui fallait donc imaginer une scénographie qui puisse combler les attentes (désormais incontournables) du public pour ce nouveau type de concert. Considérant désormais le live comme « un moyen d’expression à part entière » tant du point de vue musical que visuel, dont la forme ne peut se résumer à la seule illustration scénique d’un album, il a cette fois-ci fait appel à Alexandre Lebrun de l’agence LightLab et au vidéaste et réalisateur Armand Béraud, pour imaginer une scénographie encore tenu secrète, que le musicien décrit mystérieusement comme « un dispositif d’échos visuels », dont les images et les lueurs viendraient se disperser et se répondre dans l’espace scénique. Le titre du show fait enfin référence à un outil légendaire, la chambre d’écho Space Echo de Roland, dont les sonorités ont apporté au reggae, au dub, au rock ou bien sûr à la techno un nouveau sens de l’espace.

Jean-Yves Leloup