Lorsque Barbara se déplace, elle glisse, survole le sol comme la danseuse qui s’élance. Son pas est une danse chaloupée. Qu’elle se mue en comédienne a ainsi quelque chose d’évident. La scène n’est-elle pas son royaume ?
Comme Piaf ou Gréco, Barbara a multiplié les expériences artistiques et navigué, particulièrement au cours des années 70, entre théâtre, cinéma et chanson. En 1970, elle joue Madame au Théâtre de la Renaissance, une pièce musicale et fantasque écrite pour elle par Remo Forlani, dans un décor de Luc Simon. Ce projet se concrétise quelques mois après l’Olympia et sa décision d’abandonner le tour de chant. Barbara a déjà plusieurs expériences de théâtre : choriste dans Violettes impériales au Théâtre Mogador, en 1949, et diseuse de scénettes dans les cafés et cabarets bruxellois au début des années 50. Elle est à l’affiche dans l’opérette Le Jeu des Dames, créée au Petit Théâtre de Paris, en novembre 1960. Barbara y tient un double rôle, celui du lieutenant Zéphirio qui se révèle être Capricia, une charmante jeune fille.
Son rôle dans Madame est moins romantique : Madame est tenancière d’un ancien bordel en Afrique ! Alors que tous les ingrédients du succès sont réunis, la pièce ne tient pas l’affiche plus d’un mois. Barbara déroute plus qu’elle ne séduit, même si elle interprète plusieurs chansons. Celle qui joue n’est plus Barbara, et c’est Barbara que les spectateurs veulent voir. Celle avec qui ils entretiennent ce lien invisible et si fort. Bien que meurtrie, Barbara a aimé ce travail d’équipe radicalement différent du tour de chant, et envisage de refaire du théâtre. Françoise Sagan, qui connaît la passion de Barbara pour le tricot, propose de lui écrire une pièce dans laquelle elle incarnerait une jeune provinciale qui participe à un concours de tricot en vue de gagner un voyage à Paris. Elle envisage aussi de lui faire incarner une reine despotique...
Ces projets ne se concrétisent pas mais Barbara, curieuse de tout, se lance quelques mois plus tard dans le cinéma. Elle apparaît au générique d’Aussi loin que l’amour de Frédéric Rossif ; puis elle devient Léonie dans Franz, premier film réalisé par Jacques Brel, avant d’incarner deux ans plus tard une star déchue dans L’Oiseau rare, un film réalisé par Jean-Claude Brialy. Franz est une histoire où les faux semblants de l’amour sont décrits avec une certaine cruauté. Barbara passe ainsi de l’univers onirique de Frédéric Rossif à celui, réaliste et mesquin, voulu par Jacques Brel.
En 1976, Barbara incarne un double personnage dans Je suis né à Venise de Maurice Béjart : une chanteuse et la Nuit lumineuse. Conte dramatique, onirique et fantastique, le film se situe entre deux mondes, le jour et la nuit, où les mêmes personnages se croisent sous des identités différentes. On est proche de l’univers de Barbara qui a construit ce personnage de femme piano et qui, le soir, entre en scène dans son habit de velours.
C’est encore un rôle à double facette qu’elle joue dans Lily Passion, en 1986 au Zénith avec Gérard Depardieu. L’histoire s’articule autour de Lily Passion, la chanteuse, et David, l’assassin blond : à minuit, il tue dans les villes où elle chante. Barbara a mis beaucoup d’elle-même dans son personnage. Ce spectacle écrit par Barbara a parfois dérouté mais s’est joué à guichets fermés.
Artiste complète, auteur, compositeur et interprète, Barbara aura su, de scènes en théâtres, traverser son temps, sans jamais se répéter ni trahir ses choix, projetant un univers personnel où chacun peut retrouver ses combats, ses épreuves ou sa propre vérité.