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Saison 2 - Épisode 1 - Le musicien préféré du sultan

Publié le 22 décembre 2021 — par Blandine Iordan

Il était une fois un joueur de oud qui jouait si bien que le sultan voulait l'écouter jour et nuit. Le musicien reçoit tous les honneurs, mais personne ne l'a payé…

Il était une fois un joueur de oud qui jouait si bien, qu’au village dès qu’il y avait un mariage, pour faire danser les gens, on l’appelait. Dès qu’il y avait un enterrement, pour faire pleurer les gens, on l’appelait. Et quand il y avait une naissance, une fête, un évènement pour faire danser et pleurer à la fois, on l’appelait.   

Bientôt, sa renommée s’étendit dans tout l’empire, jusque dans la grande ville d’Istanbul, jusqu’aux oreilles du sultan.  

« Un musicien qui joue une musique douce comme du loukoum, joyeuse comme un vol de colombes et rythmée comme l’agitation d’un bazar, je veux l’entendre de mes propres oreilles ! » s’est écrié le sultan. Et il a envoyé ses gardes pour ramener le joueur de oud jusqu’au palais. 

« Musicien, a dit le sultan, ta réputation t’a précédé jusqu’ici ! Je voudrais entendre de mes propres oreilles si ce qu’on dit de toi est vrai, alors joue pour moi ». 

Le joueur de oud a pris son instrument et s’est mis à jouer. 

Le sultan avait la tête pleine de rêves… 

Quand il eut fini de jouer, le musicien s’est incliné très bas et il a demandé au sultan si sa musique lui avait plu… « Mashallah, mashallah ! s’est écrié le sultan - D'ailleurs, vous savez ce que ça veut dire « mashallah » ? En arabe, « mashallah » ça veut dire « Félicitations, Bravo ! ». Ça veut dire « comme Dieu l’a voulu » - 

Le sultan a continué : 

« Musicien, je te nomme Maître de musique, dorénavant tu vivras ici et tu joueras pour moi, le grand sultan ! » 

« Mais Majesté, a répondu le joueur de oud, dans mon village j’ai une femme et des enfants » 

« On les fera venir, vous vivrez tous ensemble dans la maison en face du palais. Mais fini les mariages et les enterrements, maître de musique, je veux que tu joues exclusivement pour moi ».  

Aussitôt dit, aussitôt fait, femme et enfants s’installent dans la maison en face du palais. 

Et à toute heure du jour ou de la nuit, le joueur de oud était appelé au palais. 

Un soir, sa femme s'est mise à se lamenter: « chaque jour, tu vas jouer pour le sultan, mais tu reviens toujours les poches vides ! Tu ne ramènes jamais d'argent ! Pense un peu à tes enfants, je n’ai même pas de quoi leur faire du pain ! »  

Alors le musicien a réfléchi. Et le lendemain matin, il s’est rendu au grand bazar d’Istanbul.  

Il est allé dans le quartier des marchands de farine, il a choisi le plus gros sac de farine, il l’a chargé sur ses épaules et quand le marchand lui a demandé : 

« Et donne l'argent d’abord ! » le Maître de musique a répondu : 

« Mashallah, mashallah » et en un instant il avait disparu. 

Le marchand de farine était tellement surpris qu’il n’a pas eu le temps de réagir. 

Alors le Maître de musique est allé dans le quartier des marchands d’huile. Il a choisi la plus belle jarre d’huile, et quand il l'a pris sur ses épaules et que le marchand lui a demandé les sous d’abord, il a répondu : 

« Mashallah, mashallah » et il est parti ! C’est ainsi qu’il a fait tout le tour du bazar, il est rentré chez lui, il croulait sous les provisions ! Ce soir-là, toute la famille s'est régalée dans la maison en face du palais. 

Par contre sur le bazar, les marchands parlaient, ils étaient très fâchés, ils ont décidé de se rendre au palais pour se plaindre au sultan « Majesté le sultan, qu’est-ce que c’est que ce maître de musique ? Il est devenu complètement fou ! Il vient au bazar, prend nos plus belles marchandises et ne nous donne pas un sou ! » 

Le sultan, très surpris, a convoqué son maître de musique immédiatement, pour demander des explications : 

« Votre Majesté le sultan, a répondu le musicien, depuis des semaines je viens jouer pour vous, à toute heure du jour ou de la nuit, à chaque fois je vous demande si ma musique vous a plu et vous me répondez « mashallah, mashallah » mais de salaire, je n’ai rien reçu. Alors sur le bazar, moi, je n’ai rien d’autre à donner aux marchands que vos « mashallah, mashallah » sonnants et trébuchants ! » 

En entendant ça le sultan a éclaté de rire, il a trouvé que son maître de musique avait bien raison ! Il a fait appeler le grand trésorier du palais pour qu’il lui apporte une bourse pleine d’argent et il en fut ainsi chaque mois. (...) 

Et on raconte que depuis ce temps-là le Maître de musique, sa femme et ses enfants, ont vécu riches et heureux dans la grande ville du sultan. 

Un podcast pour les 3-8 ans.

Conte-moi la musique : des histoires fabuleuses, drôles et poétiques, imaginées à partir des instruments du Musée de la musique.

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Extraits musicaux :
Riyad al-Sunbati (1906-1981) : Longa farahfaza – Fadhel Messaoudi, Luth Ud, E.997.6.1, Damas, 2007 (Musée de la musique).
Foug el nakhal : anonyme Maqam hijaz, répertoire syrien – Fadhel Messaoudi, Luth Ud, E.997.6.1, Damas, 2007 (Musée de la musique).