Dire la musique, Paroles d'artiste. Un podcast de la Philharmonie de Paris. William Christie et Paul Agnew. L'épopée des Arts Florissants. Propos enregistrés en novembre 2019.
William Christie : Quand je suis arrivé à Paris, à l’automne 1970, j’ai rapidement compris que j’avais bien choisi ma destination. La France, pour moi, représentait tout simplement un lieu où je pouvais peut-être mieux vivre, à tout point de vue, par rapport aux États-Unis. Je vous rappelle que les États-Unis étaient dans un triste état à la fin des années 70 à cause de cette guerre qui ne faisait pas du tout l’unanimité, surtout au sein de la communauté universitaire.
En arrivant à Paris, j’ai pris un bain de ce que j’aimais. À cette époque, j’ai beaucoup fréquenté la Bibliothèque nationale pour transcrire et approfondir cet amour que j’avais pour le répertoire français. Pendant dix ans j’ai énormément travaillé sur la musique française. En 1979, j’ai fondé mon ensemble, Les Arts Florissants, dont la mission était de mieux appréhender, faire connaître ce patrimoine français qui était non seulement pour moi, mais aussi pour mes jeunes collègues, quelque chose de complètement prioritaire.
Et ça a duré jusqu’à maintenant.
J’ai aussi eu une chance extraordinaire d’être intégré comme professeur au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. C’était en 1982 et j’y suis resté jusqu’en 1996. J’ai ensuite passé un certain nombre d’années sans vraiment enseigner et le manque s’est manifesté. Avec Les Arts Florissants nous avons alors créé Le Jardin des Voix en 2002 dans le but de former de jeunes chanteurs.
Nous avons ainsi trouvé un moyen de satisfaire mon désir d’enseigner, d’intégrer les jeunes gens et de transmettre ce volet en créant ce que ce jardin dévoile. De quoi s’agit-il ? Tout simplement d’un concours qui a lieu tous les deux ans, nous permettant de recruter cinq à sept chanteurs d’horizons différents. Les auditions se déroulent à Paris évidemment, mais aussi à New York et un peu partout dans le monde.
Le résultat est assez extraordinaire. Nous avons parfois une sorte d’ONU musicale avec autant de nationalités différentes qu’il y a de chanteurs. Et notre mission est tout simplement de former ces chanteurs, de travailler de façon intensive un programme avec eux, tout en leur transmettant un peu de notre sagesse et de notre expérience. À l’issue de la formation Les Arts Florissants partent en tournée aves ces jeunes chanteurs un peu partout dans le monde.
Paul Agnew : Les Arts Florissants, c’est à la fois un orchestre et un ensemble international. Ce côté international est très important. On ne peut pas ignorer les racines de William aux États-Unis. Comme je ne peux pas ignorer mes racines en Grande-Bretagne. Mais ça ajoute, j’espère, une richesse à notre travail, soit sur la musique française, soit sur la musique italienne et britannique, etc.
C’est cette internationalité qui fait la richesse de l’ensemble même si la plupart des musiciens sont français. Nous avions une association depuis fort longtemps, et mon souhait était d’aller un peu plus loin, même beaucoup plus loin, en créant une fondation.