Message d’information

Fermeture

Le Musée est fermé pour travaux jusqu’au 12 novembre

En savoir plus

Philharmonie de Paris - Page d'accueil

Le Laboratoire de la création #11 - Esa-Pekka Salonen, l'homme-orchestre

Publié le 18 janvier 2023 — par Thomas Vergracht

Directeur musical charismatique du San Francisco Symphony, Esa-Pekka Salonen est également un compositeur audacieux, qui destine la plupart de ses œuvres au grand orchestre symphonique.

La série Le Laboratoire de la création analyse les œuvres marquantes qui ont forgé la modernité, de l’après-guerre à la période contemporaine. Elle nous fait pénétrer dans l’atelier du compositeur.

Écouter ce podcast sur Apple PodcastsDeezerGoogle Podcasts ou Spotify.


Né à Helsinki en 1958, Esa-Pekka Salonen est un musicien avec un grand M. Corniste de formation, il étudie la composition avec le grand Einojuhani Rautavaara, et la direction d’orchestre avec Jorma Panula. Panula, ce nom ne vous dit rien ? C’est un peu normal, il n’est pas très célèbre. C’est pourtant un immense professeur, qui a formé non pas un, mais pratiquement tous les chefs d’orchestres finlandais de la même génération… et il y en a ! En plus de Salonen, il sera également le professeur de Mikko Franck, Jukka-Pekka Saraste, et tant d’autres. Lors de ses études, Esa-Pekka Salonen se lie d’amitié avec plusieurs condisciples. Parmi eux se trouvent Magnus Lindberg et Kaija Saariaho.

Avec eux, Salonen fonde le groupe Oreilles ouvertes. À cette époque, les destinées se dessinent : Lindberg et Saariaho écrivent des partitions. Quant à Salonen, il partage son temps entre composition et direction d’orchestre. Il faut bien qu’un membre du groupe se dévoue pour jouer la musique des autres !

On l’a dit, Esa-Pekka Salonen est corniste de formation et il est important de le souligner. Le cor n’est pas un instrument possédant un immense répertoire soliste. Quelques concertos chez Mozart, chez Richard Strauss, des moments de bravoure dans les symphonies de Mahler ou Bruckner… Pourtant, le cor, c’est le « liant », l’instrument « orchestral » par excellence, celui que l’on n'entend pas vraiment, mais qui se fond sans cesse dans la texture, celui qui fait la densité d’un son d’orchestre.

D’ailleurs, Salonen écrit rarement pour des formations de musique de chambre. Car inutile de dire que sa passion, c’est le grand orchestre symphonique ! Alors, à quoi ça ressemble, le style Salonen ? Déjà, des cors ! Écoutez cette pâte moelleuse de cuivres ! Puis de grands élans lyriques ! Cela évoque Messiaen ou Lutosławski…

Nous écoutons sa pièce Nyx. Une œuvre que Salonen écrit en 2011 pour le Festival Présences de Radio-France. Dans cette œuvre, nous entendons tout le langage caractéristique du compositeur : ses orchestrations rutilantes et virevoltantes, son goût pour une certaine vivacité rythmique et un langage harmonique complexe, qui est un peu une spécificité de ses camarades du Nord de l’Europe…

L’orchestre, soyeux et plein, évoque autant Mahler que Strauss, dans une dimension plus moderne et peut-être plus onirique. La carrière de Salonen, en tant que chef, l’a mené dans tous les pays du monde, mais surtout aux États-Unis. À Los Angeles, dont il dirigea l’orchestre pendant de nombreuses années, et maintenant à San Francisco. Et il s’avère que la musique américaine contemporaine, Salonen en est fou ! C’est d’ailleurs avec un plaisir non dissimulé qu’il dirige les œuvres du grand patron de la musique orchestrale américaine. J’ai nommé John Adams.

Entre la création de la gigantesque symphonie Naive and Sentimental Music, que John Adams écrit spécialement pour Salonen et l’orchestre de Los Angeles, et l’enregistrement d’autres œuvres, comme le concerto pour violon électrique et orchestre The Dharma at Big Sur, Esa-Pekka Salonen devient un vrai champion de la musique d’Adams, avec lequel il partage le goût d'une musique rutilante, féerique, au moteur rythmique intense… Et l’amour que Salonen ressent pour la musique de John Adams va même se diffuser à d’autres compositeurs américains.

Bryce Dessner a écrit il y a quelques mois un concerto pour violon trépidant, dont il conçoit l’allegro final en se disant : « Je vais écrire un groove pas possible que seul Esa-Pekka pourra diriger… » Cette saison, c’est le protégé de Philip Glass, l’éblouissant Nico Muhly, qui écrira une œuvre pour le San Francisco Symphony et notre grand Salonen. 

Mais loin de ne diriger « que » de la musique d’aujourd’hui, Salonen empoigne également la baguette pour le répertoire, avec un grand R, mais surtout celui du XXe siècle. 

Debussy, Ravel, Bartók, Stravinski, Messiaen que l’on entend ici… Esa-Pekka Salonen se fait une spécialité de ces titans du XXe siècle ! La pâte sonore est immense, et en même temps très détaillée, le tout emmené dans un grand élan, par un musicien qui respire l’orchestre symphonique comme personne d’autre.