Du XVIIIe au XXe siècle, la fabrication et le commerce d’instruments à clavier connaissent deux siècles d’or.
Si, dès le XVe siècle, plusieurs sources écrites évoquent un instrument de musique qui fait penser au piano, notamment sous la plume d’Arnaut de Zwolle, médecin et astronome à la cour de Bourgogne, on s’accorde pour attribuer la paternité de l’instrument à l’Italien Bartolomeo Cristofori (Padoue, 1655-Florence, 1732).
Il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle pour que la vogue du piano s’étende à toute l’Europe. De fait, l’instrument le plus répandu à Paris – que l’on nomme alors sans distinction forte-piano, piano-forte, clavecin à marteaux ou clavecin à maillets – est un piano de format carré fabriqué à Londres.
On voit apparaître les premiers pianos fabriqués en France vers 1770, sans qu’il soit parfaitement possible de distinguer les instruments réellement réalisés dans les ateliers français des pianos anglais sur lesquels le facteur, souvent de clavecin, a apposé son nom. Certains facteurs fabriquent à la fois des pianos et des clavecins, comme Pascal Taskin, facteur du roi, ou Blanchet.
Le piano devient, à partir des années 1820, le moyen d’expression favori de la musique romantique et lorsque Chopin arrive à Paris en septembre 1831, la capitale française est un passage obligé pour un grand nombre d’artistes et d’intellectuels. On y fait escale ou l’on y demeure, la Ville lumière est la capitale des arts, la place qu’il faut conquérir pour faire carrière.
Aiguillonnée par des musiciens de plus en plus exigeants, l’industrie du piano à Paris se transforme de façon radicale. Au milieu du XIXe siècle, les trois plus grandes firmes, Érard, Pleyel et Pape, emploient à elles seules le tiers des artisans luthiers et fabriquent chacune entre 900 et 1200 pianos par an. Cet âge d’or se prolonge jusqu’au premier conflit mondial.
Les fabricants de claviers : histoire d’une production parisienne.
L’Almanach du Commerce de Paris de 1805 fait état de 24 facteurs de pianos (pour 2 facteurs de clavecins !). En 1820, on en compte 39. En 1831, à l’arrivée de Chopin à Paris, ce sont pas moins de 90 manufactures qui ont pignon sur rue, auxquelles il conviendrait d’ajouter quelque 19 ateliers indépendants spécialisés dans la fabrication d’accessoires (claviers, mécaniques, ferrures…). Enfin, en 1847, ce sont près de 200 maisons, soit près de 3000 ouvriers, qui s’occupent de la fabrication de pianos dans la capitale !
Au XVe siècle, la production d’instruments se concentre aux abords du Palais Royal, avant de s’étendre durant les deux siècles suivants aux bords de Seine, principale porte d’entrée des matières premières en ville.
Le XIXe siècle, durant lequel le nombre de facteurs d’instruments culmine, voit l’ouverture de nombreux théâtres autour de la Nouvelle Athènes, dans le quartier Saint-Georges et les grands boulevards.
À l’orée du XXe siècle, les ateliers se concentrent au nord de la capitale : les transports ont annulé les distances. Le quartier de Pigalle, connu notamment pour son commerce des guitares et instruments amplifiés, et la rue de Rome, pour celui des instruments à cordes, demeureront les derniers lieux de concentration de luthiers à Paris.