Tout le monde connaît la pop, la reconnaît, a un avis sur elle. Omniprésente, dominante, sa singularité artistique reste pourtant peu interrogée. La philosophe et musicienne Agnès Gayraud l’a fait.
Avec Dialectique de la pop, Agnès Gayraud (aka La Féline) pense la pop en philosophe. Car la pop est un art. Et la pop en tant qu’art musical, ce n’est pas seulement cette chanson, ce format court porté par une mélodie que l’on classe dans le registre de la « variété », mais toute musique populaire enregistrée, qu’elle soit rock, électro, métal ou... pop.
Le destin de cette forme, qui a désormais un siècle d'existance, est intimement lié à ses conditions techniques de production et de diffusion. La théorie esthétique que propose Agnès Gayraud dans ce premier livre dégage dès lors deux critères de définition de l'œuvre pop : l’enregistrement et l'idéal de la popularité.
Come as you are
« La promesse de la pop, c’est cette promesse d’ordre anthropologique, et politique, d’une musique immédiatement accessible à tous les auditeurs », explique l’auteur. Derrière cette musique longtemps considérée comme « légère » — c’est le mot du théoricien Theodor Adorno — et cantonnée à un statut d’objet de consommation, se cache une utopie du populaire, la recherche inlassable du plébicite, qui trouve sa plus haute expression dans ce que l’on appelle « tube », ou « hit ». Depuis ses origines, la pop est attachée à l’individu, ou plus spécifiquement aux individualités. Plutôt que de toucher indifféremment et en masse, elle s’adresse à « chacun », en fonction de ce qu’il est. « Come as you are », diraient Nirvana.
Mais la pop est également depuis longtemps travaillée par sa propre critique — on pense aux « Chroniques » de Bob Dylan. Encourager une écoute critique, revendiquer une authenticité, entretenir un rapport aux racines tout en remettant sur le métier l’idéal de modernité... La pop se pense elle-même, en autant de problématiques qui composent sa dialectique.