Dans Le Retour du Jedi, John Williams donne de nouvelles couleurs à ses thèmes, pour traduire en musique l'évolution psychologique des personnages. Cet épisode est également marqué par l'utilisation de procédés musicaux qui, comme le synthétiseur, rendent ce sixième chapitre de la saga si ecclectique sur le plan sonore.
La place particulière de cet épisode comme point d’aboutissement et de résolution des nœuds dramatiques des deux films précédents est source de contraintes pour le compositeur : « Il y avait quatre heures de matériel existant, et Le Retour du Jedi ne pouvait être aussi novateur que le deuxième épisode ». De fait, le thème de la Force, la Marche impériale et le thème de Luke y jouent le rôle de fils conducteurs. Le thème de la Force devient associé en particulier à la tragédie des Skywalker, et à la relation père/fils de Dark Vador et de Luke à partir du deuxième tiers du film. Ses interventions soulignent le conflit intérieur de Vador et mettent en valeur son basculement vers le côté lumineux lorsqu’il assassine l’Empereur pour sauver la vie de son fils. Dans cette scène, après un long passage dissonant et une progression chromatique ascendante aux cordes et trompettes, le thème de la Force joue le rôle de résolution musicale et narrative : joué avec puissance et majesté aux cors en synchronisation avec la prise de décision du père, il amplifie la portée dramatique et symbolique du geste de Vador et génère un fort sentiment d’achèvement.
La mort de Vador constitue une autre page marquante de cet épisode en matière de transformation thématique : alors qu’il demande à son fils de lui ôter son masque, la première phrase de la Marche impériale est jouée aux violons en harmoniques dans le suraigu. Leurs sonorités désincarnées mettent en valeur le dévoilement d’Anakin, progressivement détaché de la persona de Vador. Le deuxième énoncé du thème est partagé entre la flûte et la clarinette, au timbre rond et chaleureux, soulignant le court moment d’affection entre Luke et son père, avant que le cor n’intervienne de façon mélancolique et majestueuse quand Anakin demande à son fils : « Dis à ta sœur que tu avais raison à mon sujet ». Enfin, c’est à la harpe solo qu’est confié l’ultime énoncé du thème alors que Luke pleure en tenant son père mort : dépouillée, la Marche impériale se fait élégiaque.
En dépit de la liberté moindre dont il jouit sur cet épisode par rapport au réservoir thématique existant, Williams ménage une place conséquente à de nouveaux matériaux, qui prolongent par ailleurs le travail d’élargissement orchestral amorcé sur L’Empire contre-attaque. Il dote ainsi Jabba d’un motif tortueux alternant chromatisme et grands arpèges au tuba, et écrit un thème passionné pour le lien de parenté entre Luke et Leia dans l’esprit des thèmes d’amour, conformément au souhait de Lucas. Dans le sillon de l’épisode précédent, Williams emploie à nouveau le chœur comme une couleur ajoutée à l’orchestre, au moment où Luke prend le dessus sur Vador à la fin de leur duel au sabre laser. Mais il introduit aussi un nouvel usage de la voix avec le thème de l’Empereur dont l’identité est avant tout timbrale et harmonique, avec ses sombres accords tendus dans le grave confiés à un chœur masculin sans paroles.
Pour dépeindre le monde sylvestre des Ewoks, Williams déploie un éventail de percussions « exotiques » inhabituelles dans un cadre symphonique. Des claves, des maracas, une conga, des wood-blocks et des métallophones sont entendus dans les scènes qui se déroulent dans le village des Ewoks, interprétés par les membres de la tribu eux-mêmes. Ces percussions évoquent à la fois l’aspect primitif du peuple des Ewoks et leur communion avec la nature, en rappelant leur environnement forestier par le timbre des percussions en bois. La mélodie, espiègle, en rythmes pointés, circule fréquemment à différents instruments de la famille des bois (flûte à bec, clarinette en mi bémol, hautbois), confiée aux cuivres lors des actions héroïques des Ewoks.
Le Retour du Jedi se distingue aussi des deux épisodes précédents par l’emploi marqué de sonorités synthétiques. Le synthétiseur produit des nappes sonores mouvantes et inquiétantes dans le grave au cours des scènes se déroulant dans le palais décadent de Jabba, notamment lorsque Luke affronte le Rancor. À la fin du film, quand Vador cherche Luke dans la salle du trône de l’Empereur pour l’affronter, le synthétiseur vient amplifier et enrichir le son des bois et des contrebasses dans le registre grave par des sons profonds et vrombissants qui appuient les paroles de Vador incitant son fils à « s’abandonner au côté obscur ».
Ces sonorités singulières rejoignent l’éclectisme des styles mobilisés pour les musiques diégétiques – celles dont la source existe concrètement dans l’univers fictionnel du film. Lors de la sortie en salles de 1983, la performance dansée de l’esclave Oola dans le palais de Jabba est accompagnée par une musique disco, remplacée depuis 1997 par la chanson pop « Jedi Rocks » confiée à l’arrangeur Jerry Hey. Remaniée au montage, la célébration finale à travers la galaxie donne aussi lieu à une nouvelle composition de Williams aux sonorités folkloriques.
Un dernier élément sonore saillant mérite d’être signalé : Le Retour du Jedi est le premier film de cette trilogie à inclure une séquence uniquement accompagnée par les effets sonores. La poursuite à motojets dans la forêt d’Endor offre ainsi au sound designer Ben Burtt et son équipe la possibilité de recréer entièrement un univers sonore et donner à entendre les bruitages pour eux-mêmes, dans leur qualité musicale.