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Saison 2 - Épisode 6 - Zidka et la boîte à soufflet

Publié le 22 décembre 2021 — par Brigitte Blaise

Chaque fois que Zidka revient de l’école, il y a toujours de la musique sur la place du village. C’est lui, ce drôle de bonhomme avec une boîte accrochée aux épaules, qui fait cette musique. Il l’ouvre et la referme entre ses bras et de chaque côté, ses doigts courent sur des boutons...

Chaque fois que Zidka revient de l’école il y a toujours de la musique sur la place du village.  

C’est lui, là-bas, ce drôle de bonhomme, avec sa plume sur son chapeau et son pantalon rouge. 
Il a une boite accrochée aux épaules qu’il ouvre et referme entre ses bras et de chaque côté, ses doigts courent sur des boutons.  

Les gens s’arrêtent. Ils dansent. 1 2 3, 1 2 3, tching plum plum, tching plum plum. 

« C’est joyeux l’accordéon ! Regardez ! On dirait qu’il aspire le gris du ciel en ouvrant son soufflet et pousse sur les nuages en refermant »  

« Accordéon… » répète Zidka tout bas. 

Elle entre chez elle, attrape une feuille de son cahier, la plisse comme un éventail, déplie et referme son accordéon de papier. 1 2 3, 1 2 3, tching plum plum. 

Un jour, la voyant encore là, ses grands yeux noirs écarquillés, l’accordéoniste se penche vers elle : « tu vois, le soufflet fait entrer l’air pour qu’il passe au travers de petites lames en fer cachées derrière les boutons ». 

« Comme le soufflet, près de notre cheminée, pour attiser le feu ? »  

« Oui, mais là c’est pour attiser les notes, vois-tu ». Et au grand bonheur de Zidka, il ajuste les bretelles autour de ses bras à elle.  

L’instrument lui arrive au menton. Ses doigts touchent à peine les boutons. Mais de toutes ses forces elle actionne le soufflet… et tire, et pousse, ses longs cheveux noirs se prennent dedans. Mais au secours, cela fait un grand bruit affreux !  

« Je te montre un secret, tout en haut à gauche, il y a un précieux petit bouton pour refermer le soufflet sans bruit, juste celui du vent pour chasser les nuages. Quand tu en trouveras un, un accordéon à ta taille, je te promets je t’apprendrai ». 

Mais un jour, elle le trouve assis sur une marche, tout triste, son accordéon à côté de lui. 

« Ben tu joues plus ? »  

« Les gens ne s’arrêtent plus, ne dansent plus, je crois qu’ils n’aiment plus ma musique ». 

« Ils n’ont peut-être plus le temps, ou c’est la couleur de ton accordéon, déguise-le en rouge ! »  

Rouge, bleu ou avec des paillettes, plus personne ne s’arrête. Et de jour en jour il s’affaiblit, le musicien dépérit. Zidka essaie de prendre soin de lui, de lui changer les idées, mais en vain. 

Et si elle allait chercher le médecin, cette vieille dame qui guérit tout le monde ? 

« Oh je le connais ton drôle de bonhomme » lui dit-elle. « Il ne vit que pour la musique, je ne peux rien pour lui, mais… j’ai peut-être quelque chose pour toi. Tu sais, toute ma vie, petite, les gens que j’ai guéri m’ont remercié en m’offrant des chocolats, des livres, une lampe, un collier, pleins de trésors… et… » 

Elle attrape, tout en haut d’une étagère, cette petite boite à soufflet. Un accordéon. 

« Je te le donne, il est juste à ta taille, tout blanc, léger. C’est le seul remède pour ton bonhomme, il va guérir, aller, joue ! »   

Ni une ni deux, Zidka saute au cou de la vieille dame et s’en va, son trésor entre les bras, jusque chez son drôle de bonhomme.  

1 2 3, 1 2 3, tching plum plum, tching plum plum ! 

« Regarde ! J’en ai un ! Maintenant, tu dois tenir ta promesse, apprend-moi ! »  

De jour en jour, il reprend des couleurs et Zidka progresse. 1 2 3 tching plum plum… elle y arrive ! Un soir, Zidka s’endort, fait un drôle de rêve :  

Le soufflet de l’accordéon s’allonge s’allonge; s’étire, s’étire, se transforme en wagon, en train, en tunnel, en chenille, parcourt le monde, il est long, long, long, long… il rapporte avec lui tous les accordéons du monde : avec des touches pianos, des noirs avec des pierres précieuses, d’autres avec beaucoup beaucoup de boutons, pour de grandes musiques et leurs cousins carrés, à plusieurs côtés… 

L’immense soufflet se referme, grâce au petit bouton… elle se réveille.  

Zidka prend son instrument, essaye de drôles de choses, s’amuse avec le soufflet, le fait trembler, mélange les sons. 1 2 3, 1 2 3, Tching plum plum se transforme en : 1 2 - 1 2 3 - 1 2  – 1 2 3 tagada ga dagadaga… 

Elle passe des heures, des jours, des semaines, à chercher, tourner, rêver… et trouve une autre musique. 

Aujourd’hui c’est Zidka, figurez-vous qui joue sur la place du village. Les gens sont revenus, ils écoutent attentivement ou se remettent à danser.  

Un beau jour de printemps, elle aperçoit son drôle de bonhomme, et à côté de lui, la vieille dame  
« Intéressant monsieur n’est-ce pas cette autre façon de jouer ?  
« Il suffisait de faire autrement ! »  
« Je vous trouve bonne mine dites donc, voulez-vous danser ? » 

Un podcast pour les 3-8 ans.

Conte-moi la musique : des histoires fabuleuses, drôles et poétiques, imaginées à partir des instruments du Musée de la musique.

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Extraits musicaux :
Tony Murena (1915-1970) et Joseph Colombo (1900-1973) : Indifférence (introduction) – Jacques Bolognesi, accordéon ; Francis Varis, accordéon ; Pierre « Tiboum » Guigon, batterie, percussion – Concert enregistré à la Cité de la musique (1996).
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Richard Galliano (1950) : Spleen – Orchestre Tangaria Quartet ; Richard Galliano, accordéon ; Alexis Cardenas, violon ; Philippe Aerts, contrebasse ; Clarence Penn, batterie ; Rafael Mejias, percussions ; Amoy Ribas, percussions ; Hamilton de Holanda, mandoline – Concert enregistré à la Salle Pleyel (2007).
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Tony Murena (1915-1970) et Joseph Colombo (1900-1973) : Indifférence – Orchestre Tangaria Quartet ; Richard Galliano, accordéon ; Alexis Cardenas, violon ; Philippe Aerts, contrebasse ; Clarence Penn, batterie ; Rafael Mejias, percussions ; Amoy Ribas, percussions ; Hamilton de Holanda, mandoline – Concert enregistré à la Salle Pleyel (2007).
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Pascal Contet (1963) : Improvisation – accordéon Firme Hohner E.2005.11.1, Gola vers 1950 – Concert enregistré au Musée de la musique (2011).