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Vincent Bessières présente l’exposition Basquiat Soundtracks

Publié le 26 avril 2023 — par Vincent Bessières

— Vincent Bessières présente l’exposition Basquiat Soundtracks

Vincent Bessières présente l’exposition Basquiat Soundtracks

Basquiat Soundtracks est la première exposition qui explore la relation très féconde entre Jean-Michel Basquiat et la musique. La musique nous est apparue comme un sujet particulièrement pertinent pour non seulement mieux comprendre l’univers dans lequel il a émergé, l’environnement artistique qui était le sien, mais aussi son rapport à la forme, son rapport à l’histoire de la musique, à l’histoire américaine, même, d’une manière générale. Et donc la musique intervient à différents niveaux. Mais l’exposition va davantage vers ce qu’il représente, la thématique de ses tableaux, le fait que ses tableaux sont souvent sonores, bruyants, qu’ils représentent le son, des personnages qui font du bruit. Et puis, bien sûr, on examine aussi son rapport au jazz qui est, par essence, la musique noire américaine, et probablement la musique qu’il a le plus représentée, la musique la plus citée dans ses tableaux, et qui est pour lui une sorte de panthéon artistique, tout en allant au-delà du jazz, vers des formes plus populaires, plus vernaculaires comme le blues, la région du delta du Mississippi, qui constitue pour lui un espace géographique très important, avec l’horizon lointain de l’Afrique, qui était pour lui ce qu’il appelait « une mémoire culturelle ».

Dans un lieu comme la Philharmonie de Paris, il paraissait indispensable que la musique soit présente dans l’espace, pas seulement dans le discours, les explications, les tableaux. Qu’on puisse offrir au visiteur une expérience de visite qui ait une dimension sonore très forte. D’abord parce que Basquiat peignait en musique, il baignait dans la musique, il avait un rapport très fort et très intime à la musique. Et ensuite, il a fallu mettre en forme toute cette musique. On a privilégié l’image animée, les vidéos, de façon à montrer aussi les musiciens que Basquiat a vus et entendus. L’ensemble de tout ce contenu audiovisuel est piloté par un logiciel qui s’appelle Bronze, qui nous a été suggéré par Nicolas Becker, un designer sonore et ingénieur du son avec qui nous avons travaillé à l’élaboration de toute la partie sonore de l’exposition. Et ce logiciel a la capacité de puiser dans cette banque de musique et d’agencer le déroulement des morceaux en les enchaînant jamais de la même façon. Ce qui fait que, en fonction de l’heure ou du jour où on visite l’exposition, on n’entend pas la même chose.

Basquiat, on peut dire qu’il s’est auto-inventé, parce qu’en fait, il a construit son identité comme une espèce de mosaïque, en empruntant à droite et à gauche. Et effectivement, l’exposition s’attarde sur cette dimension-là. On a consacré tout un espace à Gray, le groupe de Basquiat en 1980. On montre aussi son implication dans la scène hip-hop, comment il a participé à l’émergence de soirées, comment il a même produit un single de rap qui s’appelle « Beat Bop », un très bon morceau. Basquiat utilise la musique pour parler de beaucoup de choses. La musique, pour lui, est étroitement corrélée à l’histoire des Etats-Unis et en particulier à la place qu’a occupée dans cette histoire la communauté afro-américaine, dont on sait qu’elle a donné naissance à beaucoup de musiques, à beaucoup de genres de musique qui ont d’ailleurs complètement nourri la musique populaire du XXe siècle.

Entretien : Tristan Duval-Cos
Réalisation : Clément Gaultier - Imaginé productions
Montage : Laurent Sarazin - Imaginé productions
© Cité de la musique – Philharmonie de Paris

Basquiat Soundtracks est la première exposition consacrée au rôle de la musique dans l’art de Basquiat. Vincent Bessières en présente les enjeux et les spécificités.

Grand amateur de musique, Basquiat possédait, dit-on, une collection de plus de 3000 disques allant du classique au rock en passant par le zydeco, la soul, le reggae, le hip-hop, l’opéra, le blues et le jazz. Dans son atelier, plusieurs sources sonores pouvaient coexister simultanément. Cependant, la musique est loin d’avoir seulement formé une trame sonore à sa vie et à sa pratique. Commençant par une évocation, riche d’archives, des scènes musicales fréquentées par l’artiste à New York dans les années 1970 et 1980, l’exposition met en lumière ses expériences en tant que musicien et producteur de disque.

Explorant en détail son imaginaire sonore, elle examine les nombreuses références qui parsèment son travail, révélant combien la musique a informé ses représentations et influencé ses processus de composition. La façon dont Basquiat l’a inscrite dans ses œuvres témoigne, en outre, de son intérêt profond pour l’héritage de la diaspora africaine et de sa conscience aiguë des enjeux politiques liés aux questions raciales aux États-Unis. La musique apparaît ainsi comme une célébration de la créativité artistique noire tout en pointant les complexités et les cruautés de l’histoire. Elle offre une clé d’interprétation à une œuvre qui, dans son auto-invention, est parvenue à intégrer le beat d’une époque, le blues d’un peuple, le geste du sampling et les symphonies épiques d’une modernité mouvementée.

Basquiat Soundtracks, catalogue de l’exposition, Vincent Bessières, Dieter Buchhart, Mary-Dailey Desmarais (dir.), Éd. Gallimard, Paris, 2023.

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Vincent Bessières

Vincent Bessières est actif dans le domaine du jazz depuis une vingtaine d’années comme journaliste en presse et radio (Jazzman, So Jazz, Jazz News, L’Express, France Musique...), commissaire d’exposition ("We Want Miles" en 2009, "Django Reinhardt, Swing de Paris" en 2013, "Jazz & Love" en 2019), producteur de disques pour le label jazz&people et directeur artistique.

  • Entretien : Tristan Duval-Cos
  • Réalisation : Clément Gaultier - Imaginé productions
  • Montage : Laurent Sarazin - Imaginé productions
  • © Cité de la musique - Philharmonie de Paris