Réalisé à Anvers en 1652 par Ioannes Couchet puis transformé en France en 1701 dans le goût du siècle de Louis XIV, ce clavecin, classé trésor national, est témoin de la réunion des arts.
Conçu à Anvers en 1652, le clavecin a connu des transformations dans sa mécanique et dans son décor, réalisées en partie en France au début du XVIIIe siècle. Ces interventions correspondent à des évolutions tout à la fois esthétiques, musicales et sociétales. Caractères organologiques et décors flamands et français cohabitent donc. Il en va ainsi, par exemple, de la multitude de motifs de sa table flamande — semis de fleurs, de fruits et d’animaux — et de l’ornementation française de la caisse sur laquelle courent des guirlandes de fleurs et d’arabesques que peuplent des masques, des grotesques, des animaux fantastiques ou des figures mythologiques… À ce relevé, il faut ajouter une peinture de paysage sur la face interne du couvercle et un piètement sculpté doré, réalisés tous deux en France. Un tel caractère composite, une telle diversité ornementale peuvent être déroutants au premier abord. Le clavecin rassemble deux systèmes décoratifs dont chacun relève a priori d’une esthétique différente. On caricaturerait à peine en disant que l’art de la nature morte flamande est associé aux ors de Versailles, les représentations de « vie silencieuse » à l’apparat brillant d’un mobilier de cour. De ce constat émergent deux questions : en quoi chaque caractéristique de l’instrument est-elle le reflet des sociétés flamande et française ? Comment le clavecin, avec son aspect double, était-il perçu en France ? En outre, la variété des techniques et des motifs témoigne d’un programme décoratif qui nous paraît aujourd’hui quelque peu hétérogène. Qu’en était-il au XVIIIe siècle ? C’est certainement l’environnement esthétique et le contexte social qui donnent sa signification à ce décor empreint de références à des goûts et des pratiques culturelles. Si ce n’est par la similitude des motifs, le clavecin retrouve sans doute une unité intellectuelle dans le principe esthétique qui a conduit sa création.
Cet ouvrage propose de partir à la découverte du clavecin Couchet comme objet d’histoire, d’art et de culture. Au-delà de la compréhension du seul décor, il essaie d’envisager comment deux domaines artistiques sont ici réunis : les arts visuels et la musique. Il ne s’agit pas, bien évidemment, de faire correspondre tel système décoratif à telle musique ni de chercher à illustrer la musique par une peinture, mais plutôt de replacer ces deux arts dans l’univers esthétique qu’ils partagent. C’est à ces correspondances qu’invite ce livre, tout en offrant de revisiter l’histoire musicale, artistique et sociétale des XVIIe et XVIIIe siècles à travers le prisme de ce clavecin particulier.
Extrait de Le Clavecin Couchet, les arts réunis, Éditions de la Philharmonie, coll. « Musée de la musique », 2019, p. 14-16.