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Lilian Thuram : « L’impression d’être sur le terrain avec Zidane » 

Publié le 25 novembre 2023 — par Maxime Guthfreund

— Zinédine Zidane vu par Lilian Thuram

« Quand je circule ici, j’ai l’impression d’être sur le terrain, d’être avec Zidane. Et je trouve que ça fonctionne super bien. » 

Lilian Thuram circule dans l’installation Zidane, un portrait du XXIe siècle et commente sa visite :

« - ZZ, qu’est-ce qu’il fait, il s’est énervé ? 
- Il a pris un rouge. 
- ZZ ? C’est bizarre.
- Ça ne lui ressemble pas ? »
Lilian Thuram rit.

« Talent et humilité » : Zidane vu par Thuram

J’ai rencontré Zidane pour la première fois, je jouais à l’époque à Fontainebleau, je signe à l’AS Monaco et ils m’envoient faire un stage avec l’équipe de France juniors. Et donc, on arrive à l’entraînement... Je vois un joueur en train de jongler, il jongle, il lance très, très haut la balle, et il récupère la balle en jonglant, sans que la balle touche par terre. Je me dis : "C’est qui, ce mec ?" On commence à s’entraîner, on fait des petits matchs. Et après, quand je rentre dans ma chambre, je téléphone à des amis en leur disant : « Écoute-moi bien, j’ai vu un mec à l’entraînement, je t’assure, j’ai jamais vu ça. Même dans le quartier, il n’y a pas un mec aussi technique. C’est impossible. » La première fois que je vois Zidane, c’est là. Dès le début, il faisait des trucs avec la balle, c’était juste incroyable, et surtout avec cette facilité. 
J’ai joué en équipe de France Espoirs avec lui. Après, on a commencé en équipe de France lors du même match. Je crois que c’était en 1994 contre la République tchèque. Il rentre et il marque deux buts, et on fait match nul : 2-2. Disons qu’on a grandi ensemble. Lorsque vous jouez en équipe de France et que vous avez Zidane dans l’équipe, en fait, il est préférable qu’il touche très souvent la balle. Parce qu’en fait, il a cette capacité à trouver des angles de passes, à faire la différence par ses dribbles, par ses contrôles. C’est le chef d’orchestre. 
Le plus important, c’est en dehors du terrain parce que... comme c’est le joueur le plus talentueux de l’équipe, il est très important d’analyser son comportement. Moi, je dis souvent que si on a gagné la Coupe du monde, c’est grâce à son humilité. À partir du moment où votre meilleur joueur est très humble, ça donne la route à suivre. 

Au cœur d’un match du grand Real Madrid

« Non ?! Pepe Reina ? Il joue encore, je crois. 
Ah ouais, Beckham... 
Excusez-moi, il y a Figo, dans... Il y a Figo, c’est possible ? 
Ah ouais, quand même. C’est une vraie équipe. » 

Ces écrans montrent à quel point quand vous jouez au foot, il y a un truc qui est très important, c’est la capacité de regarder dans toutes les directions. Pendant un match, la grande majorité du temps, vous êtes en train d’observer les choses. Et ça, on le voit très bien. On voit Zidane en train d’observer, de regarder, de prendre des informations. Et ça, souvent, on ne le perçoit pas et je trouve que là, on arrive à le percevoir. Parce que souvent, on a l’impression qu’au foot, c’est le physique qui prend le dessus. Mais en fait, non. En fait, c’est le cerveau. Tout le monde court, la balle bouge, donc vous devez toujours prendre des informations. Vous devez photographier à chaque instant ce qui se passe pour que, quand vous allez recevoir le ballon, sachant que le ballon, vous n’allez pas le garder longtemps, ça aussi, ça se voit ici, il va falloir trouver la bonne solution. 
On croit entendre ce qu’on entend quand on est sur le terrain, c’est-à-dire un bruit de fond. Parce que sur le terrain, vous êtes tellement concentré que vous entendez un bruit de fond. Et presque, à la limite, vous n’entendez pas, tellement vous êtes concentré. Et je trouve que là aussi, encore une fois, je ne sais pas si c’est une déformation, mais moi, quand je circule ici, j’ai l’impression d’être sur le terrain, d’être avec Zidane. 
Et je pense qu’en règle générale, les gens aiment le foot parce que c’est un échange d’émotions. Lorsque vous aimez Zidane, lorsqu’il touche le ballon, vous avez l’impression d’être Zidane. Et là, je trouve qu’on arrive à sentir ce lien. 

Et puis, encore une fois, c’est le Real de Madrid. Tout autour de Zidane, il y a juste des joueurs incroyables : Ronaldo, Roberto Carlos, Guti, Raúl, Beckham... 
Bien qu’on ait l’impression qu’il n’y ait que Zidane de filmé, en fait, non. Et c’est ce qui est très beau, parce que Zidane fait partie d’un ensemble, d’une équipe. 

Zidane, un portrait du XXIe siècle

Une œuvre visuelle et sonore de Douglas Gordon et Philippe Parreno présentée jusqu’au 7 janvier 2024 à la Philharmonie de Paris

  • 1 match : Real Madrid – Villarreal (23 avril 2005)
  • 17 écrans
  • Musique originale : Mogwai
  • Son : Nicolas Becker et Cyril Holtz

Crédits 

Merci à Lilian Thuram et à Lionel Gauthier

Extraits du film « Zidane, un portrait du XXIe siècle »
Courtesy des artistes © Philippe Parreno & Douglas Gordon. Anna Lena Films.
Musique de Mogwai
(P) 2006 PIAS / WALL OF SOUND LTD
ISRC : GB-ENL-06-00624
Avec l’aimable autorisation de (PIAS)

Entretien : Maxime Guthfreund
Réalisation : Laurent Sarazin – Clément Gaulthier-Falguière, Imaginé productions
© Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2023
 

Le champion du monde tricolore livre son sentiment sur notre installation et revient sur sa carrière internationale avec Zinedine Zidane. 

Tous les deux sont nés en 1972. Tous les deux honorent leur première sélection en Équipe de France le 17 août 1994. Tous les deux signent un doublé salvateur dans le dernier carré de la Coupe du monde de football 1998. L’un serait-il l’alter ego de l’autre ? La Gazzetta dello Sport l’affirme en septembre 2001: «[Thuram] est le Zidane de la défense, et pas seulement parce qu’il est français. Classe, personnalité et grinta : c’est le meilleur.». Zidane lui-même déclare en 2023 que Thuram est, avec Paolo Maldini, le meilleur défenseur contre lequel il a joué.

Coéquipiers en Équipe de France junior à partir de 1990, en «Espoir» en 1992 et en «A» de 1994 à 2006, LilianThuram et ZinedineZidane sont inséparables en sélection nationale. Avec 142 sélections pour l’un et 108 pour l’autre, le défenseur et le meneur de jeu font partie du club très fermé des centenaires en Équipe de France (9 joueurs). Ensemble, ils remportent la Coupe du monde 1998 et l’Euro 2000 avant d’être finalistes malheureux de la Coupe du monde 2006.

En club, Thuram et Zidane sont adversaires en première division française au début de leur carrière, en Serie A italienne de 1996 à 2001 puis en coupe d’Europe en 2003 et 2005. Le 22 février 2005, deux mois avant le match diffusé à la Philharmonie –Real Madrid - Villarreal CF, le 23 avril 2005–, le Real de Zidane reçoit sur sa pelouse madrilène la Juventus de Thuram, en huitième de finales de la Ligue des champions. 

Lilian Thuram est donc familier du décor de l’œuvre de Douglas Gordon et Philippe Parreno présentée ici –le stade Santiago Bernabéu–, comme de son héros: Zinedine Zidane. 

Maxime Guthfreund
  • Merci à Lilian Thuram et à Lionel Gauthier
 
  • Extraits du film « Zidane, un portrait du XXIe siècle »
  • Courtesy des artistes © Philippe Parreno & Douglas Gordon. Anna Lena Films.
 
  • Musique de Mogwai
  • (P) 2006 PIAS / WALL OF SOUND LTD
  • ISRC : GB-ENL-06-00624
  • Avec l’aimable autorisation de (PIAS)
 
  • Entretien : Maxime Guthfreund
  • Réalisation : Laurent Sarazin – Clément Gaulthier-Falguière, Imaginé productions
  • © Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2023