Dans cette série de podcasts, Sebastião Salgado nous transporte au cœur de la forêt brésilienne et fait entendre, de l'intérieur, les voix de l'Amazonie. Le photographe partage ses souvenirs, anecdotes et expériences, fruits de sept ans de voyage et de rencontres avec les communautés indiennes.
Yawanawá
En une cinquantaine d'années, les Yawanawa sont passés de l'invisibilité absolue à l'exubérance culturelle. En 1970, la communauté ne comptait plus que 120 membres et connaissait un épisode grave : un taux d'alcoolisme très élevé, lié à la déliquescence des liens sociaux, la mission évangélique leur avait imposé le culte chrétien et l'abandon de leurs rites traditionnels autochtones. Au début des années 1990, le nouveau chef
Biraci Brasil Yawanawa a rapidement expulsé la mission religieuse, éliminé les bibles, rétabli l'enseignement de la langue traditionnelle, de la famille pano, et commencé à encourager l'étude des mythes et histoires du passé afin de reconnecter les nouvelles générations au savoir et à la mémoire des anciens.Les Yawanawa sont devenus la preuve vivante que les peuples indiens, en contrôlant leurs terres, peuvent faire coexister culture traditionnelle et esprit d'entreprise. Tout en travaillant à renouer avec les rituels traditionnels et la langue ancestrale, ils sont reliés au monde contemporain par smartphones et ordinateurs, grâce à des antennes wifi installées dans les villages. L'un des aspects les plus remarquables de ces anciennes traditions est l'art plumaire: les Yawanawa créent des œuvres à plumes parmi les plus élégantes de toute l'Amazonie, le plus souvent faites de plumes blanches d'aigle, un animal sacré pour eux.
0:09 : Miró (Viná) Yawanawá confectionne des ornements de plumes. Territoire indigène Rio Gregório. État d’Acre, 2016.
1:06 : Keiá Yawanawá, du village de Mutum, peint le dos de la jeune Kanamashi, du village d’Amparo. Territoire indigène du Rio Gregório. État d’Acre, 2016.
1:54 : Shanã, en haut à droite, avec sa femme Taiana à son côté et leurs enfants. Territoire indigène du Rio Gregório. État d’Acre, 2016.
Marubo
Comme chez d'autres peuples de l'extrême Ouest de l'Amazonie, la mythologie des Marubo est fortement influencée par la mémoire de leurs relations avec l'Empire inca. Actuellement, la population Marubo compte un peu plus de 2 000 personnes. Le Territoire indigène de la vallée du Javari, qu'ils habitent, est l'un des plus grands du Brésil, avec 8,5 millions d'hectares, et abrite plusieurs autres peuples. L'expérience de la cohabitation avec des non-Indiens pendant plus d'un siècle fait partie intégrante de la formation des jeunes Marubo, pour qui il est important de bien apprendre le portugais. C'est pourquoi ils sont nombreux à devenir traducteurs et intermédiaires dans les relations avec les agents de l'État (le personnel infirmier des postes de santé par exemple), ou pour soutenir les actions des organisations de défense des Indiens, comme le montre leur participation constante aux expéditions de contact des autres peuples de la région.
Les Marubo vivent dans des maisons communautaires, des malocas, de forme oblongue situées au centre des villages mais construisent aussi de petites cabanes autour de la maloca principale, dans lesquelles ils entreposent des outils, des masques rituels ou des armes à feu. Chaque maison Marubo a un «maître», qui est le chef de la communauté et qui est également responsable de la construction de la maison et de son entretien structurel. Sa famille occupe les espaces les plus proches de l'entrée principale, ce qui fait aussi de lui une sorte de gardien de la maison.
3:02 : Vue aérienne de la communauté Marubo du village de Maronal. Territoire indigène Marubo de la vallée de Javari. État d’Amazonas, 1998.
4:06 : Shanko Ewa et son fils Shanko dans la cuisine de la maloca principale du village de Maronal, celle du chef Ivinimpa Marubo. Territoire indigène Marubo de la vallée de Javari. État d’Amazonas, 2018.
Le studio de photographie
« Lors de mes visites aux Indiens, j'emporte toujours un grand morceau de tissu épais de 6 x 9 m pour servir de fond à des séances de portraits. Avec mes assistants, nous installions notre "studio" à l'abri des arbres. Nous recouvrions le sol d'une bâche de 7 x 10 m qui permettait de le protéger de l'humidité du sol et, dès que surgissait une averse, d'enrouler rapidement la toile dedans. Ces photographies montrent les Indiens dans leur pleine beauté et leur élégance unique, en les séparant de l'exubérance de la forêt. Ils s'habillent quelquefois pour l'occasion, même si cela signifie plutôt peindre leur corps, porter une coiffe de plumes, tenir un singe ou porter une arme. Normalement, beaucoup des activités d'une communauté indienne se déroulent sur les campements de pêche ou de chasse, distants des villages. Mais au retour, durant les jours de repos, je m'installe toute la journée près du studio et j'attends que ceux qui le veulent bien viennent se faire photographier de cette façon si spéciale. »
Sebastião Salgado
5:37 : Studio installé dans le village Mambo de Mati-Këyawaia, dans la vallée du Javari. État d'Amazonas, 2018.
Photographies © Sebastião Salgado
Création sonore © Jean-Michel Jarre