Dix-sept écrans géants pour un joueur : l’installation Zidane, un portrait du XXIe siècle, de Douglas Gordon et Philippe Parreno, immerge le visiteur au cœur d’un match de football multidimensionnel et poétique dont la bande-son assemble, en les spatialisant, les bruits du stade et les compositions originales du groupe Mogwai.
La poésie d’un match de football
En 2005, les artistes Douglas Gordon et Philippe Parreno s’associent pour réaliser un film tourné en temps réel lors d’un match opposant le Real Madrid et Villarreal CF. À l’aide de 17 caméras synchronisées et réparties dans le stade de Santiago Bernabéu de Madrid, ils braquent l’objectif sur le seul corps de Zidane. Radicalement différent d’une captation télévisuelle, le film rend palpables la concentration présente dans son regard et l’extrême précision de sa frappe.
Photo de l’installation « Zidane, un portrait du XXIe siècle » © Joachim Bertrand
Zidane, une icône contemporaine
Ce film dresse le portrait du footballeur Zinedine Zidane, vainqueur de la Coupe du monde 1998 de la Fifa. En s’approchant au plus près du sportif, Parreno et Gordon tentent de décrypter non seulement le génie de la star de football, mais aussi la passion que nous vouons aux icônes contemporaines. La multitude de caméras déployée offre au spectateur une perspective du match à 360 degrés, lui permettant de plonger dans un espace multidimensionnel, tout en ayant la sensation de se déplacer aux côtés du joueur.
Une expérience sonore saisissante
Suspendus dans l’espace d’exposition, les 17 écrans géants diffusent, en les spatialisant, des contenus sonores spécifiques, invitant le visiteur à déambuler dans les images et dans le son. Le souffle de Zidane, sa voix intérieure, le bruit des heurts du terrain, le chant des supporters, les sons du choc des corps et des frappes du ballon, l’ensemble de cette matière sonore, associée à la musique originale du groupe de post-rock écossais Mogwai, compose une véritable partition, subtilement mise en espace par l’ingénieur du son Nicolas Becker.
Photo de l’installation « Zidane, un portrait du XXIe siècle » © Joachim Bertrand
Réalisateurs : Douglas Gordon et Philippe Parreno
Directeur de la photographie : Darius Khondji
Musique originale : Mogwai
Design sonore : Nicolas Becker et Cyril Holtz
Production : Anna Lena Films
Ce projet a reçu le label Olympiade Culturelle.
À l’occasion de cette installation, le magazine Légende consacre une édition spéciale à Zinedine Zidane, en vente sur le réseau presse, en librairie et à la Philharmonie de Paris.
Les effets lumineux de l'exposition peuvent être déconseillés aux personnes épileptiques ou photosensibles.
Écouter et regarder
Omar da Fonseca : « Zidane qui provoque... Ah, le passement de jambes, magnifique ! Centre pied gauche au 2e poteau, Ronaldo... Et voilà, stoïque. Lui, qui convertit l'ordinaire en extraordinaire, évidemment ! »
Omar da Fonseca visite l’installation « Zidane, un portrait du XXIe siècle » à la Philharmonie de Paris
L’icône Zinedine Zidane
Omar da Fonseca : « Les premiers mots qui me viennent, pour essayer de dire quelque chose sur Zidane, c'est : icône, légende, unique. On dit que les génies peuvent tout oser, et c'est à ça qu'on les reconnaît. Et je crois qu'il incarne cet aspect-là. Et surtout, tout le monde voudrait jouer comme Zidane. Sauf que lui ne joue comme personne. Ce n'est pas juste un joueur, c'est surtout un joueur juste. Il a un corps aimable. On peut dire qu'il est en harmonie : son cerveau, son corps, ses bras... Tout est fluide. Il n’est jamais crispé. Ses muscles sont toujours en souplesse. Je crois qu'il a apporté cet aspect-là à un jeu qu'on juge parfois viril, avec des contacts un peu plus bruts. Le ballon est son ami. On dit tout le temps qu'il a semé le football pour cueillir des émotions, et je crois que c'est exactement ça. »
Vivre le football sous un angle original
Omar da Fonseca : « Le son est bon.
C'est une belle manière de sublimer le spectacle d'un match de foot. D'abord, le fait de s'attarder beaucoup plus sur des images qu'on ne voit jamais quand on est en direct ou dans le stade. Là, on a la possibilité de suivre l'action alors que le jeu se passe ailleurs. Donc on voit des visages, des joueurs qui s'interpellent, on a une autre sensation que lorsqu'on est en direct. Parce qu'il y a aussi beaucoup de caméras et ça montre des situations diverses, des sensations diverses. Et le son donne une sorte de vibration. On a l'impression que ça descend des tribunes, ce murmure qui donne un peu le sentiment qu'il y a un scénario qui se joue, parce qu'un match de foot, c'est de l'art, c'est de la vie. Il y a des doutes, des crispations, de l'émotion. Il y a un peu de frustration aussi, quand on loupe. Il y a plein de sentiments et d'émotions. Et le fait d'avoir beaucoup d'images dans ce sens-là, retransmet ce que vivent les protagonistes, et aussi le public, qu'on voit souvent derrière. Et c'est assez sympa parce qu'eux-mêmes reçoivent des émotions et les expriment. Ils les transmettent, en se prenant la tête, en faisant des grimaces. Donc c'est un moment vivant. Ça montre un match de football autrement. »
Nostalgie de l’ère « Galactique » du Real
Omar da Fonseca : « Roberto Carlos. Ah, il y a Samuel qui jouait aussi, à l'époque ?
Déjà, lorsqu'on se dit qu'une équipe comme le Real Madrid faisait jouer en même temps Raúl, Ronaldo, Beckham, Zidane, Figo, Roberto Carlos... C'est contraire à la méthodologie actuelle. Maintenant, on parle d'équilibre, on dit qu'on ne peut pas essayer d'avoir des équipes aussi fortes en attaque. Or, à cette époque-là, justement, la notion de supériorité devait être montrée à chaque fois. Et Villarreal, c'est quand même une équipe... Robert Pirès y a joué, et on peut parler de Riquelme, de Forlán ou de Senna, qui a été naturalisé espagnol et qui a gagné la Coupe du monde et le championnat d'Europe avec l'Espagne.
Il y a des aspects techniques qui sont plus relevés. Je ne sais pas si c'est parce qu'à l'époque, le côté athlétique était moins important. Le joueur avait un peu plus de temps, un peu plus d'espace pour imaginer l'action, la préparer, réfléchir et exécuter ce qu'il voulait faire. Il y a plein de fois où on se souvient du moment actif d'une action, et pouvoir la revoir, ça fait renaître de belles sensations. »
Outro
Omar da Fonseca commente l’action du but de Ronaldo, sur une passe de Zidane : « Zidane : la provocation, le passement de jambes... Et voilà ! Que c'est subtil, délicat ! Son pied gauche pour centrer, Ronaldo, le but. Le public exulte, mais c'est lui qui convertit l'œuvre ordinaire en extraordinaire, l'habitude de pouvoir être décisif. L'icône, la légende, l'unique, celui qui joue comme personne, il est là, encore une fois, Zidane ! »
Zidane, un portrait du XXIe siècle
Une œuvre visuelle et sonore de Douglas Gordon et Philippe Parreno présentée jusqu’au 7 janvier 2024 à la Philharmonie de Paris
- 1 match : Real Madrid – Villarreal (23 avril 2005)
- 17 écrans
- Musique originale : Mogwai
- Son : Nicolas Becker et Cyril Holtz
Crédits
Merci à Omar da Fonseca et à Roman da Fonseca
Extraits du film « Zidane, un portrait du XXIe siècle »
Courtesy des artistes © Philippe Parreno & Douglas Gordon. Anna Lena Films.
Musique de Mogwai
(P) 2006 PIAS / WALL OF SOUND LTD
ISRC : GB-ENL-06-00624
Avec l’aimable autorisation de (PIAS)
Entretien : Maxime Guthfreund
Réalisation : Laurent Sarazin – Clément Gaulthier-Falguière, Imaginé productions
© Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2023
« Quand je circule ici, j’ai l’impression d’être sur le terrain, d’être avec Zidane. Et je trouve que ça fonctionne super bien. »
Lilian Thuram circule dans l’installation Zidane, un portrait du XXIe siècle et commente sa visite :
« - ZZ, qu’est-ce qu’il fait, il s’est énervé ?
- Il a pris un rouge.
- ZZ ? C’est bizarre.
- Ça ne lui ressemble pas ? »
Lilian Thuram rit.
« Talent et humilité » : Zidane vu par Thuram
J’ai rencontré Zidane pour la première fois, je jouais à l’époque à Fontainebleau, je signe à l’AS Monaco et ils m’envoient faire un stage avec l’équipe de France juniors. Et donc, on arrive à l’entraînement... Je vois un joueur en train de jongler, il jongle, il lance très, très haut la balle, et il récupère la balle en jonglant, sans que la balle touche par terre. Je me dis : "C’est qui, ce mec ?" On commence à s’entraîner, on fait des petits matchs. Et après, quand je rentre dans ma chambre, je téléphone à des amis en leur disant : « Écoute-moi bien, j’ai vu un mec à l’entraînement, je t’assure, j’ai jamais vu ça. Même dans le quartier, il n’y a pas un mec aussi technique. C’est impossible. » La première fois que je vois Zidane, c’est là. Dès le début, il faisait des trucs avec la balle, c’était juste incroyable, et surtout avec cette facilité.
J’ai joué en équipe de France Espoirs avec lui. Après, on a commencé en équipe de France lors du même match. Je crois que c’était en 1994 contre la République tchèque. Il rentre et il marque deux buts, et on fait match nul : 2-2. Disons qu’on a grandi ensemble. Lorsque vous jouez en équipe de France et que vous avez Zidane dans l’équipe, en fait, il est préférable qu’il touche très souvent la balle. Parce qu’en fait, il a cette capacité à trouver des angles de passes, à faire la différence par ses dribbles, par ses contrôles. C’est le chef d’orchestre.
Le plus important, c’est en dehors du terrain parce que... comme c’est le joueur le plus talentueux de l’équipe, il est très important d’analyser son comportement. Moi, je dis souvent que si on a gagné la Coupe du monde, c’est grâce à son humilité. À partir du moment où votre meilleur joueur est très humble, ça donne la route à suivre.
Au cœur d’un match du grand Real Madrid
« Non ?! Pepe Reina ? Il joue encore, je crois.
Ah ouais, Beckham...
Excusez-moi, il y a Figo, dans... Il y a Figo, c’est possible ?
Ah ouais, quand même. C’est une vraie équipe. »
Ces écrans montrent à quel point quand vous jouez au foot, il y a un truc qui est très important, c’est la capacité de regarder dans toutes les directions. Pendant un match, la grande majorité du temps, vous êtes en train d’observer les choses. Et ça, on le voit très bien. On voit Zidane en train d’observer, de regarder, de prendre des informations. Et ça, souvent, on ne le perçoit pas et je trouve que là, on arrive à le percevoir. Parce que souvent, on a l’impression qu’au foot, c’est le physique qui prend le dessus. Mais en fait, non. En fait, c’est le cerveau. Tout le monde court, la balle bouge, donc vous devez toujours prendre des informations. Vous devez photographier à chaque instant ce qui se passe pour que, quand vous allez recevoir le ballon, sachant que le ballon, vous n’allez pas le garder longtemps, ça aussi, ça se voit ici, il va falloir trouver la bonne solution.
On croit entendre ce qu’on entend quand on est sur le terrain, c’est-à-dire un bruit de fond. Parce que sur le terrain, vous êtes tellement concentré que vous entendez un bruit de fond. Et presque, à la limite, vous n’entendez pas, tellement vous êtes concentré. Et je trouve que là aussi, encore une fois, je ne sais pas si c’est une déformation, mais moi, quand je circule ici, j’ai l’impression d’être sur le terrain, d’être avec Zidane.
Et je pense qu’en règle générale, les gens aiment le foot parce que c’est un échange d’émotions. Lorsque vous aimez Zidane, lorsqu’il touche le ballon, vous avez l’impression d’être Zidane. Et là, je trouve qu’on arrive à sentir ce lien.
Et puis, encore une fois, c’est le Real de Madrid. Tout autour de Zidane, il y a juste des joueurs incroyables : Ronaldo, Roberto Carlos, Guti, Raúl, Beckham...
Bien qu’on ait l’impression qu’il n’y ait que Zidane de filmé, en fait, non. Et c’est ce qui est très beau, parce que Zidane fait partie d’un ensemble, d’une équipe.
Zidane, un portrait du XXIe siècle
Une œuvre visuelle et sonore de Douglas Gordon et Philippe Parreno présentée jusqu’au 7 janvier 2024 à la Philharmonie de Paris
- 1 match : Real Madrid – Villarreal (23 avril 2005)
- 17 écrans
- Musique originale : Mogwai
- Son : Nicolas Becker et Cyril Holtz
Crédits
Merci à Lilian Thuram et à Lionel Gauthier
Extraits du film « Zidane, un portrait du XXIe siècle »
Courtesy des artistes © Philippe Parreno & Douglas Gordon. Anna Lena Films.
Musique de Mogwai
(P) 2006 PIAS / WALL OF SOUND LTD
ISRC : GB-ENL-06-00624
Avec l’aimable autorisation de (PIAS)
Entretien : Maxime Guthfreund
Réalisation : Laurent Sarazin – Clément Gaulthier-Falguière, Imaginé productions
© Cité de la musique – Philharmonie de Paris, 2023
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